RÉFORME DU RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DES ARTISTES AUTEURS

saison 2 - épisode 7 : le courrier des organisations professionnelles aux ministères de la Santé et de la Culture

REFORME AU POINT MORT, DROITS SOCIAUX A VAU-L’EAU.

Le courrier des organisations professionnelles aux ministères de la Santé et de la Culture.

Paris, le 12 décembre 2014

Objet : Dysfonctionnements des organismes sociaux et concertation sur la réforme visant à consolider le régime social des artistes auteurs.

Madame la Ministre,

En mars 2013, le gouvernement, et plus particulièrement votre ministère, s’est engagé à « améliorer la couverture sociale et la qualité de service dont bénéficient les artistes auteurs. » Le communiqué de presse ministériel précisait : «  Par cette réforme, le Gouvernement entend conforter la protection sociale des dizaines de milliers de travailleurs qui contribuent, par leur engagement professionnel, à l’économie créative et à la vie artistique et culturelle de notre pays. ».

Par courrier du 18 novembre 2013, votre ministère a communiqué aux organisations professionnelles le rapport sur la « consolidation du régime des artistes auteurs » qui lui avait été remis par l’IGAC-IGAS en juin 2013. Le courrier spécifiait : « ce rapport formule un ensemble de propositions sur la modernisation de la gestion du régime et sur son adaptation à l’évolution des conditions d’exercice d’activité des artistes auteurs. Il constitue la base d’une concertation que les ministères concernés entendent mener avec toutes les parties prenantes ». Il concluait en annonçant « la mise en place d’un cadre et d’un calendrier de discussion qui permettra à chacun d’apporter sa contribution à la consolidation du régime. »

Nos attendons toujours la mise en place du cadre et du calendrier de discussion sur cette consolidation tant attendue et mainte fois repoussée de notre protection sociale.

En effet, à ce jour, l’ensemble des « parties prenantes », organisations professionnelles des artistes auteurs et organisations professionnelles des diffuseurs n’ont jamais été réunies.

Il y a maintenant presqu’un an, parmi les 28 recommandations du rapport, les organisations professionnelles des artistes auteurs ont été consultées exclusivement sur la recommandation N°6 (suppression de la distinction assujettis/affiliés). Depuis les ministères concernés ne nous ont jamais fait savoir leur propre position à ce sujet. Ils n’ont initié aucune autre réunion de concertation, ni sur l’ensemble du projet de réforme, ni sur les modalités de sa mise en œuvre, notamment son ordonnancement dans le temps..

Des aménagements législatifs et réglementaires étant nécessaires, comme prévu, nous entendons que « l’ensemble de ces propositions » fasse « l’objet d’une concertation avec toutes les parties intéressées, avant d’être présenté au Parlement. »

Nous nous inquiétons fortement du retard pris.

Non seulement la qualité de service aux artistes auteurs pourrait être grandement améliorée : la simplification des démarches, la rationalisation des droits sociaux, la modernisation des sites, la performance des systèmes informatiques et la gestion des deux organismes (dont les pratiques actuelles sont divergentes en dépit d’une réglementation identique).

Mais encore, il existe notoirement de graves dysfonctionnements dans les deux organismes sociaux. Déjà pointés par le rapport IGAC-IGAS de 2005 sans que ses préconisations soient suivies du moindre effet, ces dysfonctionnements permanents continuent de porter préjudice aux artistes auteurs de la MDA-SS et de l’AGESSA.

La MDA désigne à la fois une structure de droit privé : L’association La Maison des Artistes et une structure de droit public : la MDA-sécurité sociale sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Culture. L’association a pour instance décisionnaire un bureau élu par ses adhérents, l’organisme de sécurité sociale a un conseil d’administration élu par les affiliés du régime. L’une est régie par la loi 1901, l’autre par le code de la sécurité sociale. Cette situation découle d’un montage juridique préjudiciable : une même personne morale vise deux structures foncièrement distinctes. Au final l’association « agréée par l’Etat pour la gestion du régime de sécurité sociale des artistes auteurs d’œuvres graphiques et plastiques » n’est nullement en charge de la gestion de ce régime.

Cette situation ubuesque est source de confusion pour tout le monde y compris pour les artistes et leurs diffuseurs.

Il en résulte un déficit d’identification de l’organisme de sécurité sociale des auteurs d’œuvres graphiques et plastiques (actuellement seule une moitié des plasticiens sont identifiés par leur régime obligatoire).

Il en résulte également une instrumentalisation de la sécurité sociale. En effet, soucieuse de son intérêt privé donc de préserver les avantages indus tirés de son agrément par l’Etat, l’association La Maison des Artistes (« une et indivisible ») revendique l’amalgame avec l’organisme de sécurité sociale. Sa carte d’adhérent mentionne l’agrément de l’Etat pour la gestion de la sécurité sociale et « atteste » , en sus et place de l’organisme, que le porteur est « affilié » ou « identifié » au régime de sécurité sociale des artistes auteurs. Parallèlement, le site de la MDA-sécurité sociale affiche en page d’accueil le logo de l’association et fait de nombreux liens vers elle. La confusion est donc entretenue de part et d’autre. Seule une dissociation effective des deux structures permettra enfin une clarification.

Maintes fois dénoncé, cet imbroglio entre association et organisme de sécurité sociale favorise le travail au noir et constitue un frein à la professionnalisation des artistes auteurs. Les organisations professionnelles attendent depuis longtemps que la puissance publique mette fin à cette situation.

Pour sa part, l’AGESSA ne respecte pas le code de la sécurité sociale.

En effet :

  • l’AGESSA n’identifie pas et n’ouvre pas de compte individuel aux non affiliés. Ces derniers représentent 94% des cotisants.
  • les cotisations prélevés par les diffuseurs et versées à l’AGESSA pour les non affiliés ne leur ouvre aucun droit (ni à l’assurance maladie, ni à l’assurance retraite).
  • aucune cotisation vieillesse n’est appelée par l’AGESSA pour les non affiliés (ils découvrent au moment de liquider leur retraite qu’ils n’en n’ont pas …)
  • l’AGESSA refuse la dispense de précompte aux non affiliés déclarants leurs revenus d’artiste auteur en BNC
  • les non affiliés en BNC de l’AGESSA cotisent sur le montant de leurs recettes et non sur le montant de leur bénéfice (ainsi non seulement ils n’ont aucun droit ouvert mais le montant de leurs cotisations est largement majoré).
  • l’AGESSA impose aux affiliés de payer la contribution diffuseur notamment quand ce dernier est domicilié à l‘étranger.

Ce faisant l’AGESSA porte en permanence fortement préjudice à l’ensemble des artistes auteurs non affiliés et plus particulièrement aux déclarants en BNC qui sont généralement des auteurs des arts visuels.

Les ministères de tutelle n’ignorent pas les tenants et les aboutissants de cette situation extrêmement dommageable. Or à ce jour, rien n’a été fait pour y remédier, le code de la sécurité sociale continue de ne pas être appliqué par l’AGESSA. Par ailleurs, aucune garantie, ni même réponse, quant au règlement de ce lourd passif n’a été donnée aux organisations professionnelles des artistes auteurs.

Enfin, depuis plus de six mois, les deux organismes n’ont plus de Conseil d’Administration. En effet, le Conseil d’Etat s’est opposé au décret de prorogation des mandats des administrateurs car celui-ci a été déposé par les ministères de tutelle postérieurement à la date d’échéance des mandats (avril 2014). Les Conseils d’Administration et la Commission d’Action Sociale commune aux deux organismes ne peuvent donc plus accomplir leurs missions au service des artistes auteurs.

En regard de ces graves dysfonctionnements à la MDA-SS comme l’à l’AGESSA, des mesures urgentes doivent être prises en concertation avec les organisations professionnelles des artistes auteurs.

A ce jour, la réforme visant à consolider le régime de protection sociale des artistes auteurs n’est pas une option mais une nécessité impérieuse et urgente. C’est pourquoi les organisations signataires souhaitent être reçues très prochainement par votre cabinet et demandent « la mise en place » dans les plus bref délais « d’un cadre et d’un calendrier de discussion qui permettra à chacun d’apporter sa contribution à la consolidation du régime ».

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération distinguée.

CAAP (Comité des Artistes Auteurs Plasticiens)
SNAA-FO (Syndicat National des Artistes Auteurs – FO)
SNAPcgt (Syndicat National des Artistes Plasticiens – CGT)
SNSP (Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens)
UNPI (Union Nationale des Peintres Illustrateurs)