LE FAUX AMI SNCF : L’ART ET LA MANIERE DE TROMPER LA POPULATION ET DE FLOUER LES ARTISTES ?

Résumé

Les nouvelles suite a l’action des syndicats et de leur avocat : Six organisations syndicales d’artistes-auteurs (CAAP, SELF, SNAAFO, SNAPcgt, SNSP, UNPI) signataires du communiqué demandant l’abandon ou la révision de l’AMI SNCF ont fait appel à un avocat. SNCF Immobilier a du modifier son cahier des charges et donner de nouvelles précisions dans son FAQ (en ligne depuis le 24 juillet). Des avancées ont été obtenues, le faux AMI SCNF a du revoir sa copie ! Mais simultanément SNCF Immobilier s’est avérée particulièrement inflexible à l’égard des artistes (elle leur préfère des entreprises rentables), la SNCF a même catégoriquement refusé de permettre qu’un minimum d’artistes puisse effectivement accéder à ses « sites artistiques temporaires » dans des conditions adaptées donc supportables pour eux. La dernière version en ligne n’a donc pas obtenu l’accord des organisations syndicales des artistes-auteurs qui conseillent la plus grande vigilance aux artistes qui se trouveraient embarqués dans cette opération.



1/ LE LANCEMENT EN GRANDE POMPE DE « L’AMI SNCF »

Début mai 2015, SNCF Immobilier lance une grande campagne de communication autour d’un « un projet d’expression culturelle et artistique inédit en France" intitulé « SITES ARTISTIQUES TEMPORAIRES ».

Le dossier de presse (voir pdf 1 en bas de l’article) précisait : « Devant la richesse et la qualité architecturale de certains de ses sites et bâtiments, Sophie Boissard, directrice générale de SNCF Immobilier, a décidé d’ouvrir les portes de lieux uniques répartis sur l’ensemble du territoire national (soit seize au total), et propose de les revisiter dans une démarche de création ouverte à tous, culturelle et artistique. SNCF Immobilier expérimente ainsi une nouvelle forme de valorisation patrimoniale dans une logique d’ouverture et de partage ». Le 5 mai 2015 « c’est à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine que s’est tenu le lancement de ce projet inédit en présence de nombreuses personnalités du monde artistique et culturel exceptionnellement mobilisées pour le coup d’envoi de cette initiative. Ce lancement s’est concrètement traduit par un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI). À travers cet AMI, l’idée est de proposer à des opérateurs culturels et artistiques d’investir, pour quelques heures, quelques jours ou quelques mois (6 mois maximum), une quinzaine de sites disponibles. ». Il s’agit, selon Sophie Boissard, « de créer des rencontres et des découvertes culturelles et artistiques, de permettre à chacun de mieux vivre la Ville, de la vivre autrement, de la vivre au quotidien pour l’enrichir de moments de plaisir, d’émotion et de partage … C’est l’opportunité de réaliser une expérimentation sur un nouveau concept et une garantie de rendre les œuvres visibles par tous ».

Diverses personnalités cautionnent l’opération et s’expriment au sein du dossier de presse largement diffusé. Par exemple, un artiste ayant précédemment bénéficié d’une commande d’œuvre par la SNCF pour la gare du Nord déclare « les sites que j’ai vus en photo sont extraordinaires » et conclut « avec ces « sites artistiques temporaires » la boucle est bouclée. C’est un lieu qui a été abandonné par le grand public et aujourd’hui à nouveau ouvert et attractif grâce au travail de l’artiste. ». Le commissaire général de « Révélations » estime que « ces lieux offriront des opportunités inattendues, redonneront au monde ferroviaire sa dimension poétique et permettront de découvrir de nouveaux talents, de nouveaux concepts et de nouvelles approches créatives porteuses de modernité ! » tandis que le PDG du Théâtre National de Chaillot fait judicieusement remarquer que « beaucoup d’artistes, émergents comme en pleine maturité, recherchent des lieux de travail et de présentation, d’exposition de leurs œuvres et démarches ».

Cette campagne de communication est largement relayée dans les médias (presse, radio, télévision). L’agence de communication de l’AMI SNCF ne manque ni de moyens, ni d’amis bien placés. Ainsi, la France entière trouve la SNCF bien sympathique d’offrir aussi généreusement des lieux aux artistes pour qu’ils puissent « y laisser libre cours à leur imagination » (sic). Les échos dans la presse sont flatteurs pour l’image de la SNCF. Et s’agissant de « SITES ARTISTIQUES TEMPORAIRES » naturellement de nombreux artistes commencent à croire qu’ils vont pouvoir investir artistiquement ces lieux si gentiment offerts par la SNCF. Mais …

2/ UN FAUX AMI QUI PROVOQUE LA COLERE DES ARTISTES ET L’IRONIE DE LA PRESSE : SE FAIRE ROULER PAR LA SNCF, UN COMBLE !

  • Un cahier des charges provocateur tant il est exorbitant et déséquilibré au détriment des artistes

L’AMI SNCF demande aux artistes d’élaborer gratuitement des projets spécifiques pour valoriser les lieux potentiellement mis à disposition mais moyennant une redevance. Projets qu’ils devront réaliser entièrement à leurs frais en cas de sélection, y compris les frais de remise en état, d’occupation et d’ouverture au public, le tout en cédant gracieusement à la SNCF pour 70 ans la totalité de leurs droits d’auteurs relatifs aux futures œuvres réalisées au sein du bien. La visite des sites est un préalable obligatoire et à leur frais pour les candidats.

De nombreux artistes y voient donc très vite un leurre, un cadeau empoisonné, une « opération de com’ » sur leur dos, bref une art-naque de plus, quand il en pleut sans cesse qui les confinent chaque jour un peu plus dans la précarité. En matière de création artistique, un travail gratuit ou inversement proportionnel à sa rémunération est pratiquement devenu règle ! Cette situation insupportable est aujourd’hui devenue explosive.

C’est dans ce contexte que la SNCF lance son AMI qui a toutes les caractéristiques d’une commande de type appel d’offre de marché public : une spécification des attendus, une sélection sur projet, des conditions de recevabilité, des critères de sélections pondérés, un cahier des charges, un comité de sélection, des lauréats, etc. Sauf que contrairement à un appel d’offre ou à une commande, l’Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) a l’avantage pour le vrai faux commanditaire de pouvoir s’affranchir de toutes les règles du code des marchés publics. Bien pratique pour qui veut passer une commande déguisée sans bourse délier et in fine imposer sans scrupule un contrat inique aux artistes.

  • Une pétition des artistes appelle au boycott de ce concours de la SNCF.

Dès le mois de mai, une pétition est lancée spontanément par les artistes sur les réseaux sociaux. Elle recueille très rapidement des milliers de signatures. En réaction dans un article des Inrocks du 13 mai 2015, Caroline de Jessey, de SNCF immobilier précise « « Nous mettons à disposition les lieux. Mais il faut que les projets soient de qualité et qu’ils soient faisables financièrement. Après, libre à chacun de faire connaître son projet et de faire appel à des mécènes. Ce n’est pas une boîte à cash. C’est de l’expérimentation avant tout. ». Appeler « expérimentation », le fait que la SNCF se décharge sur les artistes de tout financement aussi cyniquement n’a en rien apaisé le climat !

Le 20 mai, six organisations syndicales d’artistes-auteurs (CAAP, SELF, SNAAFO, SNAPcgt, SNSP, UNPI) rédigent un communiqué commun demandant l’abandon immédiat du programme AMI de la SNCF et sa révision (voir cet article).

  • Une presse qui relaye les problèmes posés par l’AMI SNCF, pas si amical.
    Dans la presse ceux qui ne se contentent pas de recopier les dossiers de presse pointent le caractère contestable de ce concours de la SNCF, ainsi des articles moins laudatifs fleurissent.

Par exemple :

• « SNCF cherche pigeons » (Arrêt sur images)
• "Quand la SNCF déraille…" (Nouveau Tourisme Culturel)
• "Pour valoriser le patrimoine de la SNCF, les artistes bosseront gratuitement" (ActuaLitté)
• "Projet artistique de la SNCF : qui veut se faire plumer ?" (Luchon Mag)
• "Sites artistiques temporaires : la com’ de la SNCF vire au bad buzz…" (metronews)
• « Faire travailler les créateurs gratuitement ? » (ActuaLitté)
• « La SNCF propose à des artistes de payer pour revaloriser son patrimoine
• "Chère SNCF… en réponse à l’AMI autour de “sites artistiques temporaires” (CC-META)
• "Vernis culturel" (les branchouilles)
• "La SNCF, pour l’amour de l’art ?" (Le Monde)

  • Face à ces nombreuses réactions de protestations, la réponse en ligne de la SNCF
    est un peu courte :
    « Courant mai, des organisations syndicales d’artistes-auteurs ont appelé à signer une pétition, jugeant l’appel à manifestation d’intérêt abusif. Face à cette interpellation, SNCF rappelle que cette opération ne constitue ni une commande auprès d’artistes, ni une opération de sponsoring ou de mécénat de la part du groupe, mais une mise à disposition d’espaces ferroviaires dans le cadre de la réglementation en vigueur relative à l’occupation du Domaine Public. ».

3/ LE DIALOGUE PAR AVOCATS INTERPOSES AVEC UN FAUX AMI INFLEXIBLE

Les six organisations syndicales mobilisées décident alors de faire appel à l’avocat qui travaille habituellement avec l’USOPAV – Union des Syndicats et Organisations Professionnels des Arts Visuels : Maître Jean Vincent.

Le 1er Juin 2015, un courrier de notre avocat adressé au Président de l’EPIC SNCF et à la Directrice générale met en demeure la SNCF de renoncer à ce programme dans sa version actuelle et propose d’organiser un dialogue entre la SNCF Immobilier et les organisations syndicales des artistes-auteurs (voir pdf 2 en bas de l’article).

Après avoir tergiversé, la SNCF finit par désigner son propre avocat mi-juin. Des courriers et courriels sont alors échangés entre avocats. De ces échanges, il est ressorti que SNCF Immobilier demande de surseoir à toute procédure. Elle n’envisage pas de renoncer à cette opération mais accepte de revoir son cahier des charges en fonction des observations des organisations syndicales d’artistes-auteurs notamment en matière de propriété intellectuelle. Se déclarant ouverte au dialogue, elle écarte toute procédure de médiation. Elle demande qu’une rencontre soit organisée exclusivement entre avocats donc en écartant expressément les représentants des artistes-auteurs sous couvert - à ce stade - d’une efficacité pratique. Dans l’attente des modifications concrètes proposées par SNCF Immobilier, les organisations syndicales acceptent que ce premier rendez-vous se tienne sans eux. Peu de temps avant la rencontre entre avocats fixée le 3 juillet, une deuxième version du cahier des charges, rédigée unilatéralement et comprenant de maigres ajustements à la marge, est communiquée à notre avocat qui s’assure alors qu’il ne s’agit que d’un projet soumis à nos observations.

  • Les diverses clarifications de la réunion entre avocats du 3 juillet 2015

le vernis culturel de l’AMI craque rapidement : l’art comme alibi ou les artistes pris pour des « boîtes à cash ».
À cette réunion, il est confirmé qu’hormis ses frais de communication, SNCF Immobilier qui par ailleurs se vante de verser « 450 millions d’euros par an de contribution au cash flow du Groupe SNCF refuse catégoriquement toute participation financière à son opération « sites artistiques temporaires ». Elle refuse tout soutien aux artistes qu’elle sollicite pourtant incontestablement via son « AMI » et continue de n’envisager aucun budget pour les frais de conception et de réalisation des œuvres.
Ainsi, SNCF Immobilier campe sur ses positions en ce qui concerne les aspects financiers du concours et entend toujours laisser à la charge des candidats l’ensemble des frais.

En guise de « démarche de création ouverte à tous, culturelle et artistique », il s’avère également que l’objectif de SNCF Immobilier est surtout de valoriser le patrimoine de la SNCF par l’occupation du domaine public à des fins commerciales via des opérateurs culturels ou de loisir dont la SNCF vérifiera la rentabilité.
Nous sommes donc assez loin d’« un projet d’expression culturelle et artistique inédit en France  ». Le caractère artistique n’est visiblement qu’un supplément d’âme et les occupations privatives du domaine public n’ont rien d’inédit. Nombreuses en France, elles sont à la fois source de revenus (redevances) pour la personne publique et instrument de développement économique local. À l’heure de la rigueur budgétaire et de la crise économique, les AOT (Autorisations d’Occupation Temporaire) et les redevances qui en découlent ont le vent en poupe un peu partout … Or le service communication de SNCF Immobilier a jugé judicieux de faire prendre des vessies pour des lanternes en présentant son projet comme artistique, généreux, innovant et inédit, quitte à instrumentaliser sans scrupule l’art et les artistes dans son dossier de presse …

la sécurisation juridique du cahier des charges, le respect du droit d’auteur et du droit du travail
Face à une telle inflexibilité et à une telle incompréhension des problématiques de l’art et des artistes, la réunion aurait pu (et a failli) s’arrêter là. Néanmoins, patient et soucieux de défendre jusqu’au bout les intérêts des artistes (qu’ils soient artistes-auteurs ou artistes-interprètes), notre avocat a notamment cherché à infléchir l’une des exigences les plus contraignantes de l’AMI (ouverture au public avec tous les frais afférents), à minimiser, voire à annuler la redevance et à obtenir des garanties quant au respect du droit d’auteur et du droit du travail pour les artistes éventuellement sollicités par les opérateurs culturels ou de loisir candidats de l’AMI. Certaines clauses abusives du cahier des charges initial ont ainsi été écartées. La rencontre du 3 juillet entre avocats a donné lieu postérieurement à la rédaction d’un document partagé intitulé « clarifications » (voir pdf 3 en fin d’article), ce document faisant office de compte-rendu synthétique de la réunion.

4/ LES SUITES DONNEES A LA REUNION DU 3 JUILLET ENTRE AVOCATS

À la lecture de ce document, les organisations syndicales ont approuvé les avancées qu’il contenait mais aussi à nouveau constaté à quel point les conditions imposées par SNCF Immobilier impliquait des usages commerciaux des lieux donc visait en fait essentiellement des entreprises et non des artistes ou des collectifs d’artistes et ce, bien que SNCF Immobilier ait constamment fait croire aux artistes qu’ils pourraient accéder à ces sites et y travailler.

Faute d’information claire et loyale au lancement de l’AMI SNCF, les organisations syndicales ont estimé que la moindre des choses de la part de SNCF Immobilier était de réserver effectivement au final un quota minimum de 30% de temps d’occupation tous sites confondus à des artistes afin qu’ils puissent y créer librement, sans leur imposer un travail non rémunéré dû à l’élaboration d’une proposition de projet spécifique, sans leur imposer une ouverture au public contraignante et sans leur imposer de frais liés au site mis à disposition. Autrement dit, que soit possible une simple mise à disposition de certains sites en tant que lieux de travail pour des artistes sélectionnés sur la base d’un « projet » qui spécifie seulement l’usage du lieu sans activité commerciale par exemple : « atelier d’artiste » ou « espace de répétition », accompagné d’un dossier d’œuvres déjà réalisées. Les deux seuls critères pertinents d’évaluation dans le cas de ces candidatures d’évidence non commerciales étant l’intérêt de la démarche artistique et la pertinence de l’usage du lieu eu égard aux contraintes techniques du site mis à disposition.

Un courriel est envoyé en ce sens par notre avocat le 23 juillet à 19 heures. L’accord des organisations syndicales était donc conditionné à l’acceptation par la SNCF de réserver effectivement une petite partie des lieux à des artistes pour qu’ils puissent y travailler dans des conditions supportables pour eux.

Dans sa réponse du 24 juillet (voir en pdf 4 en fin d’article), SNCF Immobilier s’étonne que les organisations syndicales - qu’elle a refusé de rencontrer – donnent leur avis sur la proposition qui leur est faite suite au rendez-vous entre avocats.

SNCF Immobilier a catégoriquement refusé de permettre qu’un minimum d’artistes puisse effectivement accéder à ses « sites artistiques temporaires » dans des conditions adaptées donc supportables. Elle a jugé cette demande irrecevable sous couvert d’une part de la liberté de choix du comité de sélection (qui ne comprend aucun artiste, ni représentant d’artiste, pourrait-on imaginer un comité de sélection scientifique sans scientifique ?) et sous couvert d’autre part d’une « rupture d’égalité entre les candidats » (confondre art et divertissement tout en prétendant respecter la liberté de création, confondre activité artistique et activité commerciale tout en imposant des critères de rentabilité pour la sélection des candidats témoigneraient donc d’un sens aigu du respect de l’égalité des chances entre candidats, commerciaux ou non !). Notre revendication visait précisément à tenter de compenser un peu le handicap évident des artistes dans ce marché de dupes. La dernière version du FAQ précise cependant « Le projet pourra par exemple être une demande d’atelier non ouvert au public. ». Nous verrons à l’avenir si cette possibilité théorique trouve une application effective, sachant notamment que l’un des critères de sélection est la « dimension évènementielle avec comme objectif final la réalisation d’un projet qui parle à tous ».

La SNCF décide au final d’une redevance payante à son profit quasi-systématiquement  : en contradiction avec le document intitulé « clarification » précédemment approuvé par la SNCF et prévoyant une compensation partielle ou totale du montant de la redevance, SNCF Immobilier, décrète que cette compensation «  ne saurait toutefois impliquer une prise en charge totale » et vertement « rappelle à cet effet que l’AMI n’est pas une action de mécénat de la SNCF, mais un appel à manifestation d’intérêt auquel les candidats sont libres de répondre – ou pas. ».

Pour notre part nous rappelons qu’il appartient à l’autorité chargée de la gestion du domaine public de fixer les conditions de délivrance des permissions d’occupation et à ce tire de déterminer le tarif des redevances. Pour que la redevance soit légale, il faut que la personne publique soit en mesure de justifier son mode de calcul. En l’absence d’éléments permettant au juge d’exercer son contrôle sur les bases de calcul retenues, elle est annulée. Ce caractère onéreux se justifie non seulement par un souci de bonne gestion du patrimoine public, mais également par une atteinte « tolérée » aux droits d’accès de tous les usagers au domaine public. Or les sites mis à disposition par SNCF Immobilier sont actuellement abandonnés, non accessible au public, où est l’atteinte ? Enfin, rappelons également que par dérogation au principe général de non-gratuité de l’occupation du domaine public, en pratique, l’utilisation du domaine public des collectivités territoriales est très souvent délivrée à titre gratuit (hors commerces), il en est ainsi par exemple des fêtes de quartiers.

La dernière version de la FAQ stipule à la fois «  La participation à l’AMI n’est pas payante. » et « Le dossier de candidature doit contenir une proposition de redevance ». Tout en précisant « L’autorisation pourra toutefois être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général. » (NB : ce qui ne signifie pas que l’association doit être reconnue d’utilité publique). Et aussi «  Le montant de la redevance proposé par le candidat sera examiné conjointement entre ce dernier et le comité technique et pourra prendre en compte, par compensation, les frais d’aménagements du site engagés par le candidat pour son projet. ». SNCF Immobilier communiquera-t-elle le montant des revenus qu’elle aura finalement perçus via ces redevances ?

La SNCF refuse au final de conditionner les projets retenus au respect du droit de présentation publique moyennant une redevance au profit des artistes : cette décision est également en contradiction avec le document intitulé « clarification » précédemment approuvé par la SNCF. Elle ne portera donc aucune attention particulière dans le « plan de financement prévisionnel » qu’elle demande aux candidats à la mention ou non d’une ligne budgétaire concernant le droit de présentation publique. Il reviendra aux artistes éventuellement exposés de négocier eux-mêmes a posteriori une rémunération ou de renvoyer leur diffuseur vers leur société d’auteurs (SPRD – société de perception et de répartition des droits d’auteur). Nous rappelons toutefois que la question de la licité des cessions à titre gratuit n’est pas aussi simple que se l’imagine SNCF Immobilier. Ainsi, elle omet d’évoquer les dispositions légales qui contredisent les articles L.122-7 et L.122-7-1 du CPI. Elle n’évoque pas la nullité des cessions sans cause ou sans prix réel et sérieux (cf. les articles 1131 et 1591 du code civil), la rescision pour lésion ou imprévision (cf. l’article L.131-5 du CPI), l’obligation de rémunération des auteurs proportionnellement aux recettes d’exploitation (cf. l’article L.131-4 du CPI), l’obligation de rémunération des auteurs par mode d’exploitation en matière audiovisuelle (cf. l’article L.132-25 du CPI), ni la nullité des donations qui ne font pas l’objet d’un acte authentique dressé par un notaire (cf. l’article 931 du code civil). Nous conseillons vivement aux artistes de ne pas accepter de cession gratuite de droits d’auteurs sans s’être rapprochés de leur syndicat, de leur SPRD ou d’un avocat spécialisé en propriété intellectuelle.

5/ SOUS LA PRESSION DES ORGANISATIONS SYNDICALES, LE FAUX AMI REVOIT SA COPIE SANS NEGOCIER LEUR ACCORD FINAL

Le site dédié a l’AMI SNCF affiche désormais « UNE OPPORTUNITÉ UNIQUE DE S’APPROPRIER DES LIEUX D’EXCEPTION. Dans une logique de transparence, d’écoute et de dialogue avec le monde artistique, certaines précisions ont été apportées à la première version du cahier des charges. Parmi ces précisions, il y a notamment celles qui relèvent des conditions de recevabilité des offres, des engagements des candidats, et des engagements de SNCF Immobilier. La mise à jour tient compte des différentes observations reçues depuis le lancement du projet le 5 mai dernier, afin de contribuer à la bonne compréhension du projet, de ses objectifs de partage culturel comme de son caractère éphémère. ».
Au bout du compte sous la pression des six organisation syndicales d’artistes-auteurs, SNCF IMMOBILIER s’est tout de même sentie obligée de modifier son cahier des charges. Le nouveau cahier des charges et la dernière FAQ (voir pdf 5 et 6 en fin d’article) portent la date du 23 juillet, donc avant même que les organisations syndicales ne se soient prononcées sur quoi que ce soit ! Ils ont été mis en ligne par la SNCF le 24 juillet sans leur accord.

Des zones d’ombre persistent dans cette dernière version de l’AMI SNCF. Nous conseillons aux artistes qui se trouveraient embarqués dans cette opération de faire relire leurs contrats à des personnes compétentes avant de les signer.

Deux points du document de « clarification » ont déjà été remis en cause a posteriori par la SNCF. Qu’en sera-t-il des autres ? L’avenir nous le dira. Quoi qu’il en soit, cette opération fondée sur une communication fallacieuse restera une honte : on se souviendra qu’à la SNCF, « communiquer » équivaut d’abord à « niquer » la communauté. Un manque d’éthique que la SNCF paie finalement assez cher en terme d’image. Ainsi, pour elle, l’écueil est déjà pleinement atteint contrairement à l’objectif initial visant à améliorer son image. Le principal pour SNCF Immobilier reste sans doute de tirer un profit financier de cette opération particulièrement mal menée …

Le CAAP remercie vivement Maître Jean Vincent de s’être battu seul contre tous afin de limiter la casse pour les artistes et les conditions foncièrement désastreuses de cet Appel à Manifestation d’Intérêt.

Documents à télécharger

pdf/2-_lettre_officielle_avocat_artistes_a_la_sncf_1er_juin_2015_.pdf
pdf/3-clarifications_6_juillet_2015.pdf
pdf/4-lettre_officielle_avocats_sncf_24_07_2015.pdf
pdf/5-_cahier_des_charges_ami_v2_23.07.2015.pdf
pdf/6-faq_mise_a_jour_23.07.2015.pdf