FISCALITÉ DES ARTISTES-AUTEURS ET PRÉLÈVEMENT "À LA SOURCE"

1/ RAPPEL : LE RÉGIME FISCAL HYBRIDE DES ARTISTES-AUTEURS

Les artistes-auteurs ne sont pas salariés, ce sont des travailleurs indépendants. Ils exercent une profession libérale : sont qualifiées de professions libérales, les professions dans lesquelles l’activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d’une science ou d’un art. 
Leurs titulaires exercent leur activité en toute indépendance – ce qui les distingue des salariés – et leurs biens et actes sont, en principe, régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants. 


Ainsi les revenus des artistes-auteurs (ventes d’œuvres, droits d’auteur, ...) ont par principe le caractère de bénéfices des professions non commerciales. Ce qui implique une déclaration en BNC.

Par dérogation, à ce principe de base, l’article 93-1quater du code général des impôts prévoit que lorsqu’ils sont intégralement déclarés par les tiers, les produits de droits d’auteur perçus par les auteurs des œuvres de l’esprit mentionnées à l’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle sont soumis à l’impôt sur le revenu selon les règles prévues en matière de traitements et salaires.

En conséquence, fiscalement 4 modalités déclaratives co-existent pour les artistes-auteurs.

NB : Tout artiste-auteur dont le revenu artistique est exclusivement composé de droits d’auteur intégralement déclarés par des tiers peut opter pour une déclaration en BNC. Ce mode déclaratif est plus avantageux pour l’artiste-auteur.

La déclaration en assimilé traitements et salaires est adaptée aux artistes-auteurs qui souhaiteraient sciemment majorer leurs cotisations et contributions sociales. Leurs impôts sont également majorés, sauf s’ils se déclarent en frais réels applicables aux salariés. Administrativement la déclaration en micro-BNC est aussi simple qu’une déclaration en TS, mais elle porte les frais professionnels forfaitaires à 34% des recettes au lieu de 10% ...

Les cotisations maladie, vieillesse, formation professionnelle et retraite complémentaire sont intégralement déductibles. La CSG est partiellement déductible. La CRDS n’est pas déductible.

REVENU IMPOSABLE = RECETTES - FRAIS PRO - CFP - CSS - CSG DED - CRC.

CFP : contribution à la formation professionnelle
CSS : cotisation personnelle de sécurité sociale
CSG DED : contribution sociale généralisée déductible
CRC : cotisation à la retraite complémentaire

2/ LE PRÉLÈVEMENT DE L’IMPÔT "À LA SOURCE" ET LES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS EN GÉNÉRAL

" Aujourd’hui, l’impôt sur le revenu est, en règle générale, payé l’année suivant celle de la perception des revenus. Le prélèvement à la source va rendre le paiement de l’impôt contemporain de la perception des revenus et éviter ainsi un tel décalage. C’est là son objectif principal." affirme le gouvernement. C’est aussi ce qui le différencie de la simple mensualisation de l’impôt.

Pour les revenus des indépendants, l’impôt sur les revenus de l’année en cours fera l’objet d’acomptes calculés par l’administration. Le prélèvement à la source (PAS) prend la forme d’un acompte mensuel ou trimestriel prélevé directement sur le compte bancaire du contribuable. En principe, les acomptes seront prélevés directement sur le compte bancaire du travailleur indépendant le 15 de chaque mois. Le contribuable pourra néanmoins opter pour un prélèvement trimestriel. Les prélèvements interviennent dans ce cas les 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre.

L’administration fiscale calculera, selon les revenus 2017 déclarés au printemps 2018, le montant des acomptes qui seront prélevés chaque mois ou chaque trimestre à partir de début 2019.

Le montant de l’acompte sera actualisé en septembre 2019 pour tenir compte des changements éventuels consécutifs à la déclaration des revenus de 2018 effectuée au printemps 2019. Il sera à nouveau actualisé chaque année, en septembre.

" En cas de variation importante des revenus, les acomptes pourront être actualisés à l’initiative du contribuable en cours d’année, dans les mêmes conditions que le prélèvement à la source applicable aux salaires. Le site impots.gouv.fr permettra à chaque contribuable de simuler la possibilité de modulation et d’en valider la demande auprès de l’administration fiscale. "

Une déclaration de revenus restera évidemment nécessaire chaque année pour faire le bilan de l’ensemble des revenus et prendre en compte des réductions ou des crédits d’impôts.

3/ LA SPÉCIFICITÉ DES REVENUS DES ARTISTES-AUTEURS IMPLIQUE DES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES

  • Le caractère dissocié des revenus des artistes-auteurs les distinguent des autres revenus professionnels.

Contrairement aux autres travailleurs indépendants, le travail effectué par un artiste-auteur est dissocié de sa rémunération qui peut intervenir longtemps après, voire même jamais.

Ainsi un peintre ou un sculpteur ignore quand et à quel prix il vendra les œuvres originales qu’il a réalisées. Un écrivain ignore au moment où il écrit un livre si ce dernier sera diffusé ou non par un éditeur et quelle sera sa rémunération. Idem pour un compositeur. Etc. Mêmes les artistes-auteurs qui travaillent généralement à la commande, les graphistes par exemple, ne sont pas toujours payés à l’échéance prévue sur leur devis. Contrairement à l’ensemble des actifs, un artiste-auteur sait quand il travaille mais pas quand il sera payé.

  • De fait les revenus perçus par les artistes-auteurs sont différés.

Un artiste-auteur déclarant en assimilé traitements et salaires précompté par des tiers découvre le montant de sa rémunération au moment de son versement par ces tiers. Le travail effectué est nécessairement antérieur à son exploitation par un diffuseur.

Un artiste-auteur déclarant en BNC découvre combien il a gagné qu’après la clôture de ses comptes en fin d’année.

  • Le caractère aléatoire et irrégulier des revenus des artistes-auteurs les distinguent des autres professions libérales (notaires, avocats, médecins, ...). De plus, le montant des rémunérations des artistes-auteurs est sans commune mesure avec ceux des autres professionnels (salariés ou indépendants).

Le revenu médian des artistes-auteurs est deux fois plus faible que celui des salariés. L’énorme différence de revenu moyen ou médian avec les autres professions libérales est également un fait avéré statistiquement.

La faiblesse des revenus des artistes-auteurs tient notamment au partage inéquitable de la valeur avec leurs diffuseurs. Faute de régulation, l’artiste-auteur est dans 99% des cas la partie faible du contrat (quand il existe ...).

4/ LA NÉCESSITÉ DE MESURES ADAPTÉES AUX ARTISTES-AUTEURS

Le gouvernement souhaite via le PAS éviter le décalage entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt. Soit. Mais il doit alors tenir compte du fait que la perception des revenus des artistes-auteurs est elle-même décalée dans le temps, et non mensualisée ou même "trimestrialisée". Le PAS revient à imposer aux artistes-auteurs des acomptes provisionnels mensuels ou trimestriels sur des revenus non perçus, encore inconnus et imprévisibles. Ces avances de trésorerie faites à l’État fondées sur l’exercice précédent et sous forme de prélèvements automatiques mensuels ou trimestriels sont d’évidence susceptibles de poser de graves problèmes de trésorerie aux artistes-auteurs, déjà largement précarisés par ailleurs et dont les revenus sont irréguliers.

Les modalités d’actualisation des acomptes prévues pour les autres travailleurs indépendants donnent certes une souplesse mais ne sont pas adaptées à toutes les situations que connaissent les divers artistes-auteurs.

Le CAAP préconise la création d’une option supplémentaire de paiement : des acomptes semestriels, le 15 juin et le 15 décembre de l’année N avec régularisation définitive l’année N+1 au moment de la déclaration annuelle d’impôt.
Ces acomptes provisionnels seraient également modulables en fonction de la situation économique contemporaine de l’artiste-auteur l’année N et ne devraient en aucun cas donner lieu à des pénalités l’année N+1 si l’artiste-auteur a sous-évalué ses revenus prévisionnels, du fait de la perception in fine de revenus imprévus.