L’info Noir/blanc n° 6

SOMMAIRE DU N° 6

  • La scandaleuse Spadem. Historique du droit d’auteur, de la Spadem et de son dépôt de bilan
  • Une politique culturelle de Gribouille. Des dangers et conséquences de la déconcentration
  • Baux commerciaux : attention aux arnaques
  • Maison des artistes, nouvelle adresse
  • Èpinglages
  • Notre guide

EDITO

Le temps des otages

Les tentatives répétées pour éclaircir le différend concernant l’art contemporain ne font qu’entretenir un faux débat. Compte rendu d’un colloque affligeant organisé par la Dap, le Monde et France-Culture le 26 avril dernier à l’École nationale supérieure des beaux-arts, intitulé « L’art contemporain : ordres et désordres ».

Il est pour le moins navrant que durant toute l’après-midi, l’ensemble des interventions se soient limitées au mieux à de mesquins et dérisoires règlements de compte entre les invités ; et, au pire, par le discours ridicule et invraisemblable tenu par J.P. Domecq concernant la production contemporaine.

En insultant et en dénigrant publiquement d’une façon particulièrement indécente et exécrable, des artistes tels que Fabrice Hybert et Séchas, J.P. Domecq n’a fait que confirmer que nous étions en présence d’un front aussi stupide que radical. Quelle que soit la qualité de leurs travaux, ces artistes, comme des milliers d’autres, n’ont jamais prétendu imposer ou détenir une quelconque vérité historique concernant l’art, sa production et son devenir, mais simplement émettre des « propositions ».

Comme on me le faisait très justement remarquer, le problème soulevé à travers cette position pour le moins hallucinante n’apparait en définitive que comme une profonde et intangible haine. Il n’y a là aucune forme réelle de débat esthétique, mais une simple aversion pour la création contemporaine se traduisant par une intolérance exacerbée. On ne peut donc s’empêcher de percevoir dans ce comportement une attitude revancharde, à moins qu’il ne s’agisse en définitive d’un projet sciemment élaboré et destiné à contraindre les artistes à définitivement réintégrer l’idée de l’art comme unique objet, à leur imposer l’Histoire de l’art comme seul référent afin de s’en débarrasser sur le terrain politique, qu’ils savent occuper avec tant de pertinence.

De la même façon, les propos tenus par Jean Clair (notamment dans I’Evénement du Jeudi au mois de janvier 1997 et dont nous avons publié des extraits dans le n° 4 de l’info Noir/blanc) sont tout simplement infamants pour l’ensemble des artistes qui travaillent et produisent aujourd’hui. Mais plus grave encore, ils servent des élus et des responsables culturels (à Aubusson, à Fresnes), qui n’hésitent pas sur le terrain, à les faire valoir pour illustrer leurs discours démagogiques et à oeuvrer dans la censure. Ils nourrissent par ailleurs la détem1ination de personnes qui, réunies au sein de Salons de toutes sortes, font parvenir aux autorités des lettres d’exigence aussi réactionnaires que surréalistes, distillant à quelques crédules de fausses informations concernant la réalité de la création contemporaine.

On peut donc légitimement s’étonner du peu de volonté des personnes présentes, pourtant intelligentes et cultivées, de débattre réellement des implications culturelles et politiques de ces prises de positions. Le Monde et Art Press, à travers les prestations pour le moins légères de Philippe Dagen et de Catherine Millet se sont fait les complices de ce jeu grotesque durant toute l’après-midi. Sans doute trop préoccupés à conserver leur savant monopole, ils ont consciencieusement ignoré l’existence dans ce colloque de revues telles que Bloc Note, Document ou Purple Prose, dont on peut toujours contester certaines analyses, mais qui se trouvent de fait particulièrement visées par les attaques incessantes que subit la création contemporaine. Le tout fut donc navrant.

Thierry De Duve aura eu le mérite de nous faire prendre conscience que nous étions effectivement devenus les otages d’un débat tournant au médiocre vaudeville, et manifestement écrit et orchestré par un groupe pour le moins irresponsable utilisant une fausse querelle de styles comme faire-valoir.

Enfin, rassurez-vous, le thème du débat « L’art contemporain : ordres et désordres » ne sera bientôt plus d’actualité, puisque le projet de loi sur la déconcentration prévoit, comme vous le savez sans doute, de confier le budget de la culture aux bons soins des préfets. Il en sera ainsi fait du désordre ! Mais, bien entendu, personne n’a jugé bon d’aborder ce sujet pourtant aussi important pour le devenir de la création.