L’info Noir/blanc n° 9

SOMMAIRE DU N° 9

  • Compte rendu. Notre rendez-vous au Ministère de la Culture nous permet de faire un état des lieux sur près de trois pages.
  • Tribune libre. Intervention de l’artiste René Guiffrey au sujet du statut de l’artiste aujourd’hui.
  • La commission Imbert. Aperçu du contenu de la Commission sur l’enseignement.
  • Les écoles des Beaux-Arts. À propos du prochain numéro de l’lnfo Noir/blanc.
  • Épinglages : Bonne année 1998
  • L’actualité du droit d’auteur … Les récentes évolutions du droit d’auteur en France et en Europe.

EDITO

Plus qu’un éditorial…

Cet écrit a la forme et le ton d’un compte rendu. Il nous permet à la fois de faire un petit état des lieux en début d’année, et de rendre compte des entretiens que nous avons eu au Ministère de la Culture.

Après avoir sollicité un rendez-vous auprès de Mme Trauttmann, nous avons enfin été reçus au ministère le jeudi 04 décembre 1997, par Mme Anita Weber, alors conseiller technique de Mme la Ministre (M. Caméo a depuis remplacé Mme Anita Weber à ce poste).

À cette occasion, nous avons une nouvelle fois formulé, parfois sous formes de questions, nos inquiétudes et notre scepticisme à propos de l’absence, du silence ou de la déficience de l’Etat et du Ministère de la Culture dans des domaines dont il a la responsabilité. Outre notre souhait de voir la Maison des Artistes séparée de " l’association de la maison des artistes ", dont la proximité, l’ingérence et la finalité laissent entendre qu’elle est une organisation professionnelle directement liée à la caisse de recouvrement, nous avons fait remarquer à notre interlocutrice que le déménagement rue de Flandres de la Maison des Artistes n’avait en rien contribué à améliorer son fonctionnement. Cette citadelle, toujours imprenable et centralisée (à Paris et nulle part ailleurs), fort de son contingent de "fonctionnaires" plaidant quotidiennement la non-responsabilité, persévère à appliquer un règlement pour le moins inadapté et ubuesque.

Il nous est toujours impossible actuellement de faire valoir la totalité des gains de nos différentes activités [1] L’aspect parfois kafkaïen que prend une tentative d’affiliation demeure un véritable parcours du combattant se soldant pour beaucoup d’entre nous par une obligation de cotisation, sans pour autant pouvoir profiter en contre partie, même périodiquement et au prorata de nos revenus, d’une couverture sociale dont nous avons souvent un réel besoin. En conséquence, il nous a paru important de faire savoir que nous désirions pouvoir redéfinir au plus vite les missions de cette institution et les moyens dont elle dispose pour les mener à bien.

Le problème de l’accumulation des statuts trouve l’une de ses origines aux sources même du système. Un artiste, tout en étant affilié à la MdA pour son travail plastique, est payé en honoraires s’il est invité à intervenir, toujours en tant qu’artiste, lors d’un colloque, ce qui l’oblige à avoir un deuxième statut de travailleur indépendant. On peut en ajouter un troisième pour peu que ce même artiste soit enseignant dans une école d’art, engendrant un cumul de cotisations et de statuts invraisemblable.

De l’enseignement dans ces écoles il a également été question. Concernant l’enseignement général, nous avons demandé qu’à court terme, soit engagée une réelle politique d’enseignement de l’histoire de l’art (y compris celle des autres domaines artistiques), dans les écoles et les lycées. Dans le cadre spécifique des écoles d’art, nous avons insisté sur le déficit chronique dans leurs programmes de cours sur la législation et la fiscalité qui régit le milieu de l’art. Nous avons donc suggéré la mise en place rapide, en collaboration avec les structures décentralisées de l’Etat, d’un véritable enseignement juridique, qui selon nous aurait l’avantage de fournir aux étudiants sortant des écoles, les données essentielles leur permettant d’aborder le monde du travail avec des données plus concrètes et réalistes. Nous estimons par ailleurs, que cet enseignement est indispensable pour mettre un terme définitif aux abus que subissent les artistes, parfois sans même le savoir. Seul le respect des droits d’auteurs et donc leur parfaite connaissance sont a même de nous garantir contre des actes de censure et la non rétribution lorsqu’il y a reproduction et diffusion d’œuvres. [2] Il est probable, que les formations professionnelles du domaine artistique soient parmi les dernières à ne pas bénéficier d’un enseignement fiscal et juridique. Nous espérons que la Commission Imbert (voir à ce sujet page 4), dont les membres planchent actuellement sur l’état et le devenir des écoles d’art en France, se saisira de ce problème. [3]

Les moyens d’une politique culturelle

Il faut bien admettre que si depuis le début des années 80, une politique favorable à la création a été mise en place notamment grâce à la création de la Délégation aux Arts Plastiques et à ses petites soeurs décentralisées les Drac, l’état, les compétences et les moyens de ces structures à de quoi susciter quelques inquiétudes. L ’intervention désastreuse de la représentante de la DAP, lors du colloque organisé le 25 novembre 1997 à l’auditorium du musée du Louvre par la Galerie du Haut Pavé en est un bon exemple.

Cette intervention au sujet de la médiation (l’intitulé exact du colloque était : Quelles médiations pour quels publics ? ), loin d’être une exception confirmant une règle, est plutôt un bon exemple d’incompétence en communication ce qui est un comble pour le ministère qui en a la charge et nous parait symptomatique d’une attitude pour le moins insouciante dont la légèreté frôle parfois l’autodestruction. Qu’une structure comme celle du Ministère de la Culture, qui dispose non seulement des moyens nécessaires mais également de bureaux décentralisés ne soit pas en mesure de faire convenablement un travail de relation public est déjà un problème. Que cette déficience soit chronique et atteigne des sommets lorsqu’il s’agit de communication de proximité auprès des artistes concernés en régions ou dans les écoles est autrement plus grave.

Cette opacité régnant sur l’ensemble des initiatives et des décisions prises, la non-justification de refus de projets ou de dossiers, l’absence d’informations précises sur des sujets aigus (encore et toujours la législation), amène quasi systématiquement les artistes concernés à prendre un point de vue radical et très virulent à l’encontre de ces services. Nous avons formulé à ce sujet les inquiétudes que de telles lacunes soulèvent et avons suggéré, que non seulement le journal de la DAP, Art lnfo, continue d’exister (il a récemment été supprimé), mais qu’il soit d’un contenu plus
conséquent, plus complet, et mieux distribué (centres d’art écoles, universités ... .

À propos du soutien apporté par l’État à la création, nous avons émis quelques regrets et critiques en constatant que certaines mesures laissaient apparaître de graves dysfonctionnements, ou n’avaient jamais réellement été mises en place :
Dans le premier cas, nous avons attiré l’attention du ministre sur le fait que les procédures visant à l’application du 1 % architectural avaient jusqu’ici été peu respectées, donnant lieu parfois à des abus caractérisés de la part d’entreprises ou de bureaux d’architectures. [4]

En ce qui concerne les mesures, (jamais mises en place), d’incitation à la création destinées aux entreprises, elles devaient principalement consister à soutenir des projets d’artistes en commun (1/2 État, 1/2 privé). Nous pensons que ce serait non seulement un bon principe d’incitation et de partenariat, mais qu’elles auraient l’immense mérite de faire intervenir directement les artistes dans le domaine des entreprises, avec toute leur complexité, leurs contraintes mais aussi leurs réalités économiques et politiques quotidiennes. Elles permettraient en outre à l’artiste de quitter le milieu exclusif, les réseaux trop étriqués de l’art et de lui permettre de se confronter à des situations certainement plus réalistes.

Le devenir du budget de la culture

Nous avons abordé l’éternel sujet du 1 % du budget de l’État consacré à la culture. Le ministère de la culture continue d’être régulièrement chargé de nouvelles fonctions, de nouveaux domaines, alors que son budget initial n’est atteint que de façon très approximative. Nous savions que les politiques et certains fonctionnaires avaient tendance à considérer la culture comme palliatif contre les problèmes sociaux et à recourir à l’intervention d’artistes (tout domaine confondu), pour pallier aux déficiences de l’Etat en matière de politique sociale. La dernière pilule est récente et fait figure d’un parfait exemple de mépris :

Le ministère des Finances a en effet, et apparemment en un temps record, trouvé le milliard de francs nécessaire pour le fond d’urgence sociale destiné aux chômeurs en détresse. 60 millions de francs ont été ponctionnés sur le budget de la Culture, soit 6 % des sacrifices demandés à l’ensemble des ministères. Le problème (du chômage), est certes suffisamment grave et conséquent pour qu’on lui accorde l’attention qu’il mérite et qu’enfin, les mesures indispensables pour en atténuer les conséquences trouvent, notamment dans la notion de solidarité, tous leur sens et leur efficacité. Mais le fait d’accepter, à petit pas timides et à demi-mot, que le phénomène du chômage n’est plus conjoncturel mais est bel et bien devenu structurel (avec toutes les conséquences que cela implique sur le long terme), n’autorise personne et surtout pas les politiques à ponctionner de façon totalement disproportionné le parent pauvre des ministères ...

Après quelques petits détours à propos du rapprochement de la création et du patrimoine (au sujet duquel nous avons exprimé notre scepticisme concernant une politique commune), et à propos de la loi de déconcentration (au sujet de laquelle le ministère certifie que les mesures nécessaires ont été prises afin de garantir de bonnes modalités de répartition des budgets alloués aux préfets de région), nous avons abordé les problèmes liés aux soutiens de l’État.

La politique d’achat et le soutien aux galeries

Nous avons fait valoir à ce sujet, que cette politique manquait singulièrement de transparence, notamment en ce qui concerne la réelle répartition de ces aides entre les artistes et les galeries. Il est ainsi nécessaire d’établir un bilan sur les dix dernières années de l’aide à la première exposition, de l’aide à l’édition et des politiques d’achat du FNAC et des FRAC. Seule la transparence et la diffusion d’une information claire permettra de contrôler ensuite auprès des galeries et agents d’art l’utilisation de ces aides et le respect des clauses qu’elles induisent. Les exemples de non respect du partage des ventes à 50 % avec l’artiste dans le cadre de l’aide à la première exposition, comme du non versement aux artistes des fruits d’une vente effectuée auprès d’un FRAC ou d’un musée par une galerie, existent et doivent être dénoncés. Comme doit l’être également l’aide à l’édition déguisée et non comptabilisée des catalogues publiés par les centres d’art ou d’autres institutions à l’occasion de manifestations culturelles, que l’on retrouve en vente dans les vitrines de certaines galeries. S’ils ne sont pas légions, ces exemples sont suffisamment courants pour inviter le ministère à envisager une refonte de ces aides et un suivi particulièrement attentif de leurs attributions.

Pallier à l’absence de représentation

Nous avons fait remarquer que les artistes étaient depuis longtemps absents de tous les débat concernant le devenir de leur profession. En ayant implicitement délégué leurs pouvoirs à certains de leurs partenaires et intermédiaires, ils ont permis à ces derniers de se les approprier. Ainsi le ministère de la culture et la DAP ont octroyé aux commissaires-priseurs le non-paiement des droits de reproduction pour leur catalogue de vente. De même, les accords passés entre l’Etat et les galeries sur le non-paiement des droits de suite créent un état de fait qu’il devient difficile de dénoncer.

Au moment ou la commission européenne tente de trouver un accord sur les droits d’auteurs, il est urgent et essentiel que les artistes fassent entendre leurs droits et transforment en véritable commission de réflexion les tractations plus ou moins discrètes qui se font sur leur dos. Car il est évident que la poursuite d’une politique du "tout marché" vise à la suppression définitive des droits patrimoniaux des artistes.

Tout en reconnaissant la nécessité d’une harmonisation, nous insistons sur l’obligation de préserver un certain nombre de droits auxquels nous sommes particulièrement attachés. Le droit moral demeurant selon nous, le seul rempart juridique contre la censure et la manipulation des œuvres.

En conséquence de quoi nous avons émis le souhait compte tenu du nombre et de la nature de nos adhérents d’une part, et du travail d’analyse, d’enquête et d’information que nous avons su effectuer d’autre part, de nous voir officiellement reconnu comme organisation professionnelle, afin de participer aux commissions de travail et être présent dans tous les lieux de décisions concernant le devenir de notre profession.

Cela signifie :
a) Siéger à la Maison des Artistes en tant qu’organisation professionnelle.
b) Être présent lors des commissions ou des tables de travail débattant de problématiques affairant aux artistes. (Lors de manifestations tel que le Congrès interprofessionnel d’art contemporain par exemple, ainsi que de toute autre commission professionnelle)
c) Être partie prenante dans les débats concernant le devenir des droits d’auteurs, tant à l’échelle nationale en ce qui concerne les sociétés de gestion que dans le cadre des discussions sur l’harmonisation des législations européennes.

Le devenir du CAAP

Nous en sommes là en ce début du mois de février, à constater le travail effectué depuis un peu plus d’un an et à faire le point de tout ce qui reste à faire compte tenu des perspectives qui s’ouvrent à nous, et dans l’attente de réponses concrètes de notre ministère de tutelle.

Au moment où le CAAP va prendre un nouveau tournant, nécessaire et souhaité, il nous faut pourtant tirer une première grande leçon. Rien de tout le travail qui a été effectué n’aurait été possible sans votre soutien en tant qu’adhérent et sans la volonté, la pugnacité de quelques-uns d’entre nous, qui ont su effectuer quasi quotidiennement un travail important, essentiel et conséquent. Nous savons que certains d’entre vous se sont plaints, certes gentiment, du retard que prend parfois la parution de l’lnfo noir/blanc, ou de simples réponses à vos courriers. C’est faire preuve de beaucoup de légèreté dans l’évaluation du temps et de l’énergie nécessaire pour mener à bien un travail de cette envergure, et c’est également ignorer que, non seulement le bénévolat n’est pas source d’enrichissement personnel, mais que bien souvent, mise à part la satisfaction du travail bien fait, il est source de bien des amertumes.

À présent, et sans vouloir continuer à être désagréable, les choses sont on ne peut plus simples. Ce travail de veille, d’analyse, d’enquête et d’information doit continuer. Parce qu’il a permis de débloquer des situations parfois critiques pour certains d’entre nous, parce qu’il a permis de dénoncer des abus et de mettre en lumière des dysfonctionnements, parce que ces débats, ces problèmes, ces conflits sont les nôtres et que nous en avons la responsabilité, parce qu’enfin, si nous n’occupons pas le terrain, d’autres le feront à notre place, et pas toujours dans le sens qui nous convient… Pour cela, nous avons besoin de vos (ré-) adhésions d’abord, mais également, et c’est aujourd’hui absolument indispensable, compte tenu de la situation, que certains d’entre vous prennent en charge une partie du travail et des dossiers que nous souhaitons développer ; études et rédaction d’un contrat type avec les galeries, étude sur la constitution des collections des Fracs, sur les rapports artistes et mécénat d’entreprise, fin de réalisation et suivi du site internet de l’association, etc ...

Toutes ces choses que notre équipe devenue aujourd’hui trop réduite, n’est plus, pratiquement, en mesure d’assumer convenablement. ..

À VOUS de décider ...