HONTE AU PRÉSIDENT DE LA SGDL QUI A DIFFAMÉ LE CAAP !

Dans une tribune de Livres Hebdo du 9 décembre 2020, le président de la Société des gens de lettres (SGDL) accuse le CAAP de vouloir imposer une réforme fiscale qui compliquerait et « caporaliserait » les métiers des artistes-auteurs !

Cette tribune est diffamatoire. Le CAAP n’impose aucun diktat à qui que ce soit. Aucune réforme fiscale n’est en cours. Les conditions du TS (Traitement et Salaires) existent depuis sa création en 1973, elles n’ont pas changé. Mais crier au loup quand il ne s’agit que de la loi, désigner un bouc émissaire (le CAAP) et vouloir continuer de faire prendre des vessies pour des lanternes aux écrivains est tout au déshonneur de la SGDL et de son président. N’a-t-elle rien de mieux à faire que de s’attaquer ainsi à des artistes-auteurs ? Et pourquoi tant de haine ? Quels intérêts défend-elle ?


Vous ne connaissez pas la SGDL ?

La SGDL est une société d’auteurs reconnue d’utilité publique qui a été fondée en 1837.

L’accès des femmes fut laborieux. En 1846, on compte sur près de 300 membres, seulement 20 femmes. 90 présidents se sont succédé, mais à ce jour, seulement trois femmes ont accédé à ce poste (Camille Marbo, Régine Deforges et Marie Sellier). Pour faire partie de la Société, il faut être auteur d’œuvres écrites à compte d’éditeur. Les membres sont composés de stagiaires (1 livre publié), d’adhérents (3 livres publiés) et de sociétaires (6 livres publiés).

La SGDL a cessé son activité de perception et de répartition des droits en 1984, date à laquelle elle a créé la SCAM (Société civile des auteurs multimédia). Elle a également initié la création d’un autre OGC (organisme de gestion collective) : la SOFIA (Société française des intérêts des auteurs de l’écrit) qui est gouvernée paritairement par des auteurs et des éditeurs.

La SGDL occupe un hôtel particulier avec jardin à Paris (l’hôtel de Massa).

Elle dispose d’une équipe de salariés et d’un budget annuel de plusieurs millions.

En regard, le CAAP s’est créé en 1996, notamment sur le constat d’un déficit criant d’information des artistes-auteurs sur leurs conditions d’exercice professionnel. Le syndicat est composé d’artistes-auteur•rices bénévoles, libres d’adhérer sans aucune discrimination. Il y a autant d’adhérents que d’adhérentes. Le CAAP bénéficie d’une subvention du ministère de la Culture d’un montant annuel inférieur à… 10 000 €. Le CAAP n’a ni les moyens de disposer d’un local, ni de créer de poste salarié. Malgré la faiblesse des moyens qui lui sont donnés, il défend et informe les artistes-auteurs sans faillir.

Il est en soi indécent qu’une société d’auteurs se permette d’insulter et d’attaquer un syndicat d’artistes-auteurs.


Contexte

Lors de la réunion du 23 septembre 2019 à laquelle assistaient plusieurs organisations, dont la SGDL, le SNAC (Syndicat national des auteurs compositeurs), des OGC et le CAAP, la mission fiscalité du ministère de la Culture avait notamment éclairci les modes déclaratifs fiscaux des artistes-auteurs (voir notre article). De plus, il avait été convenu à cette réunion que la mission proposerait une actualisation de l’imprimé qui accompagne la déclaration annuelle d’impôt et rédigerait des fiches relatives à la fiscalité des artistes-auteurs. La mission fiscalité a en effet travaillé très efficacement, créé des fiches et proposé un projet d’actualisation de l’imprimé 2041-GJ avant la déclaration des revenus 2019 en 2020. Mais ce projet a littéralement été enterré alors qu’il était prêt en temps et en heure pour être intégré dans le millésime 2020 et les documents fournis par la mission fiscalité au groupe de travail n’ont jamais été transmis à l’ensemble des organisations qui participent aux réunions de concertation.

Le millésime 2020 (voir ci-dessous) visait donc toujours uniquement les écrivains et les compositeurs (ce n’est plus le cas depuis 2011) et n’apportait aucune clarification sur les droits d’auteur pouvant être déclarés en TS (traitements et salaires assimilés).

Durant l’année qui s’est écoulée, en parfaite contradiction avec les informations de la mission fiscalité, la SGDL et les OGC ont créé et largement diffusé des vidéos laissant croire aux artistes-auteurs qu’ils pouvaient déclarer n’importe quels droits d’auteur en TS sous le titre « Soyons clairs, comment déclarer mes droits d’auteurs ? »

Une nouvelle réunion sur la fiscalité avec la mission s’est tenue le 27 novembre 2020. Cette fois l’ensemble des organisations était convié et l’ensemble des documents transmis à tous (la veille pour le lendemain).

En début de réunion, Katerine Louineau, artiste-autrice représentante du CAAP, a demandé que ne soit plus jouée la carte de l’inertie et de la procrastination, que la réunion se focalise sur la rédaction du millésime 2021 de la notice 2041-GJ et que soient enfin clarifiées pour tous les règles fiscales applicables. Mettant en cause l’expertise de la mission fiscalité, divers OGC, la SGDL, le SNAC et d’autres organisations ont in fine manifesté leur opposition au droit existant et à toute actualisation de la notice.

C’est à cette réunion que le président de la SGDL fait référence dans sa tribune qui a choqué de nombreux artistes-auteurs.
Lire cette réaction ou celle-ci.

Mis en cause, le CAAP a pris attache avec Livres Hebdo. Un journaliste a interrogé la représentante du CAAP. L’article qui en résulte est ici.

En complément, nous reproduisons ci-dessous les réponses de Katerine Louineau in extenso.

Pouvez-vous rappeler en quelques mots que, de fait, le CAAP s’aligne sur le droit existant ?

Je ne dirais pas que le CAAP « s’aligne sur le droit existant », il en prend acte. Encourager les pratiques illégales serait irresponsable et nul ne peut prétendre améliorer la loi s’il l’ignore.

Le rôle d’un syndicat est nécessairement de connaître et d’informer des dispositions légales en vigueur afin, d’une part, de ne pas mettre en difficulté les artistes-auteurs, et, d’autre part, de proposer des évolutions. Le CAAP est constamment force de propositions pour améliorer et simplifier les conditions d’exercice de tous les artistes-auteurs et artistes-autrices. Son expertise est notoire. Suite à la réunion du 27 novembre 2020 organisée par le ministère de la Culture sur la fiscalité, ses positions et celles de dix-sept autres organisations d’artistes-auteurs sont simples : nous demandons que soit levée toute insécurité juridique en regard de vieilles pratiques, infondées et complexes, qui mettent régulièrement en difficulté les artistes-auteurs. Nous demandons une simplification des modalités d’option entre TS et BNC. Nous demandons une exonération de TVA pour les activités d’éducation artistique et culturelles et une TVA à 5,5% sur les droits d’auteur.

Pouvez-vous préciser en quoi, finalement, ne pas disposer d’un SIRET pour déclarer des revenus hors EPO (éditeurs, producteurs, OGC) place l’auteur dans une zone de non-droit ?

Certains droits d’auteur sont encaissés par des intermédiaires qui les reversent aux artistes-auteurs. Parmi ces intermédiaires, il y a les OGC dont c’est exclusivement le rôle, mais aussi les éditeurs et les producteurs audiovisuels ou de phonogrammes. Aucune facture n’est nécessaire pour percevoir ces revenus. Les EPO ont l’obligation légale de prélever à la source la TVA sur les droits d’auteur qu’ils reversent, ils sont tenus de déclarer ces droits aux impôts, ils fournissent aux artistes-auteurs un décompte de droits. Les EPO doivent également retenir à la source les cotisations sociales des artistes-auteurs et les reverser à l’Urssaf (sauf si l’artiste-auteur a opté pour déclarer ses revenus en BNC).
Par dérogation, l’artiste-auteur peut donc déclarer ces droits en traitements et salaires assimilés (TS), bien qu’il s’agisse fiscalement de bénéfices non commerciaux professionnels perçus par un travailleur non-salarié. Donc nul besoin de Siret dans ce cas précis.
En revanche, dès lors que l’artiste-auteur doit établir une facture pour se faire payer, il doit comme tous les citoyens français disposer d’un numéro de Siret. Heureusement, il est très simple d’obtenir ce numéro de Siret (10 mn en ligne) et donc de pouvoir faire des factures en bonne et due forme.
Mais, étrangement, certaines vieilles structures qui ont pignon sur rue ont encouragé et même modélisé des pratiques illicites et complexes, telles la pratique de la « note d’auteur » (anciennement appelée « note d’Agessa ») qui consiste à établir une facture avec ou sans TVA, sans numéro de Siret et incluant un précompte social (c’est un peu comme si on demandait aux salariés d’établir eux-mêmes leur fiche de paie).

Ces pratiques et la déclaration en TS sont-elles plus simples et finalement au bénéfice de l’artiste-auteur ?

Non, outre le risque juridique encouru (75 000 € d’amende pour une personne physique en cas de manquement aux règles de facturation), il est beaucoup plus compliqué d’établir une « note d’auteur » qu’une facture normale, cela implique non seulement de connaître les règles en matière de seuils et de taux de TVA mais aussi d’appliquer correctement les règles en matière d’assiette sociale et de taux pour chaque type de cotisation sociale. Ces taux et seuils varient. En réalité, c’est si compliqué que les initiateurs et promoteurs inconditionnels de ces pratiques illicites (SGDL, SNAC, …) fournissent chaque année des modèles sur tableur pour pallier cet éternel casse-tête. Parfois c’est le commanditaire lui-même qui fournit la « note d’auteur » à l’artiste-auteur et lui demande de la signer (comme un client qui établirait lui-même la facture qu’il doit payer à son fournisseur). On marche sur la tête.

Le TS se justifie quand il est appliqué à bon escient et à bon droit.
Les milliers de personnes qui perçoivent des droits d’auteur versés par des EPO peuvent en toute légalité encaisser ces revenus sans facturation et déclarer aux impôts le montant imposable qui est spécifié sur leur décompte de droits. C’est le cas de nombreux écrivains. Qu’ils se rassurent, rien n’est remis en cause.

Mais dès lors que le cadre légal est détourné, tout devient vite très compliqué voire préjudiciable, tant fiscalement que socialement.
Fiscalement, le montant à déclarer aux impôts doit être calculé en soustrayant de chaque rémunération les cotisations déductibles. Le montant imposable final à déclarer est parfois TTC, parfois HT ; parfois il comprend la déduction forfaitaire de 0,8 % de TVA, parfois non... Combien d’artistes-auteurs en TS connaissent ces règles ? Alors qu’en micro-BNC, il suffit de déclarer les recettes encaissées et l’administration fiscale applique elle-même l’abattement de 34%.
Socialement, ne pas payer soi-même trimestriellement ses cotisations sociales implique surtout de devoir « aller à la pêche » aux certificats de précomptes, seul document opposable pour valider ses droits à la retraite (à l’instar d’une fiche de paie). Or, les artistes-auteurs en TS témoignent tous de la difficulté à les obtenir, seuls les EPO les fournissent, et encore pas toujours.
Enfin, la déclaration en TS implique de payer plus d’impôts et plus de cotisations sociales, sauf si vous avez de si hauts revenus en droits d’auteur que vos frais réels deviennent inférieurs aux 10 % forfaitaires octroyés aux salariés.

Que souhaitez-vous pour les artistes-auteurs ?

Que les désinformations cessent et que chaque artiste-auteur puisse faire un choix éclairé en connaissance de cause et sans insécurité juridique.
Selon la mission fiscalité du ministère de la Culture, il est actuellement possible de déclarer soit l’ensemble de ses revenus en TS (s’il s’agit de droits d’auteurs versés par des EPO), soit de déclarer une partie de ses revenus en TS et l’autre en BNC, soit enfin de tout déclarer en BNC.
Le TS est notamment utile pour les milliers de personnes qui exercent un autre métier et qui perçoivent de faibles droits d’auteur versés par des EPO. Mais le TS permet surtout une optimisation fiscale et sociale pour les très hauts revenus (10 % de frais déduits forfaitairement).
Entre ces deux extrêmes, le micro-BNC est le plus simple et le plus avantageux pour les artistes-auteurs dont les frais professionnels ne dépassent pas 34 % de leurs recettes.
Or, plus de 95 % des artistes-auteurs ont des revenus inférieurs au seuil du micro-BNC (72 500 € en 2020) qui permet la réduction forfaitaire de frais de 34 %.
À chacun d’en tirer ses conclusions.