RÉFORME DU RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DES ARTISTES AUTEURS

10ème épisode saison 1 : l’affiliation à titre dérogatoire dans le régime actuel

1/ Quelques éléments statistiques

• Pour les primo-affiliations, les moyennes de revenus sont proches dans les 5 commissions (1 MDA, 4 Agessa)

• Pour les maintiens et les primo-affiliations cumulés, les moyennes de revenus sont proches dans les 5 commissions

source rapport p14

Les plus faibles pourcentages des compositeurs, chorégraphes, réalisateurs, etc. tiennent probablement au fait que leur activité d’auteur est le plus souvent complétée par une activité salariée qui relève de l’intermittence (artistes-interprètes, danseurs …). Ils ont donc moins tendance à formuler des demandes d’« affiliation à titre dérogatoire » ayant déjà leur couverture sociale par ailleurs.

2/ Des taux d’admission assez élevés dans toutes les commissions

taux d’admission 2011 1ère année maintien
arts graphiques et plastiques 56,40% 96,41%
photo 80,39% 86,48%
écrivains et assimilés 68,85% 77,35%
compositeurs, chorégraphes … 94,44% 81,53%
audiovisuel et multimédia 56,92% 83,18%

A travers ces chiffres, les pratiques adoptées dans les cinq commissions nous semblent au final assez proches. A quelques nuances près, ainsi la commission des arts plastiques et celle de l’audiovisuel semblent plus sélectives pour les primo-affiliations, moins pour les maintien. Les rapporteurs y voient une certaine variabilité …

Ils précisent par ailleurs : « D’une façon générale, les débats en commission opposent semble-t-il, assez fréquemment la direction de la sécurité sociale qui privilégie la prise en compte de la capacité contributive des candidats à l’affiliation et les organisations professionnelles qui privilégient l’engagement professionnel, le temps consacré à l’activité, plus que le revenu. »
La direction de la sécurité sociale n’est pas supposée ignorer les raisons profondes des dispositions particulières du régime social des artistes auteurs, ni les remettre en cause au moment de leur application.

Faire comprendre aux diverses administrations que le travail artistique est souvent très dissocié de sa rémunération est une tâche récurrente des organisations professionnelles d’artistes auteurs. L’existence même des commissions professionnelles et leur rôle relatif aux « affiliations à titre dérogatoire » sont intrinsèquement liées à la spécificité de la création artistique et à ses aléas. Si le critère du revenu était pertinent et suffisant à lui seul, aucune dérogation ne serait nécessaire. C’est le cas des professions appliquées de type classique mais non celui des métiers de la création. (Voir cet article)

Ce point crucial semble avoir échappé aux rapporteurs eux-mêmes qui écrivent : « La notion de critère d’activité déconnectée de toute référence à un revenu est délicate à manier. On ne peut demander à un organisme de sécurité sociale de prendre en charge l’ensemble des problématiques spécifiques à chacune des professions : par exemple la distinction entre amateurs et professionnels ou dans le champ de ceux qui vivent de leur activité d’artiste auteur, la détermination des critères qui justifient leur soutien par les pouvoirs publics. » Autrement dit « on ne peut demander » au régime spécifique des artistes auteurs d’être … spécifique, ni aux pouvoirs publics de protéger socialement ceux qui parmi les artistes auteurs en ont le plus besoin … Les rapporteurs ne sont pas supposés ignorer les raisons profondes des dispositions particulières du régime social des artistes auteurs, ni les remettre en cause au moment de proposer une réforme visant à améliorer ce régime.

3/ Une proportion d’affiliés dérogatoires proche dans les deux organismes

Pour leur part, les rapporteurs écrivent : « Le pourcentage d’affiliés déclarant des revenus inférieurs au seuil a varié entre 2002 et 2010 entre 20 % et 21 %, avec un maximum de 26 % en 2009, soit des taux nettement inférieurs au taux d’affiliés MdA déclarant des revenus inférieurs au seuil (31.90 % en 2012). »
Ces propos méritent d’être relativisés car ils découlent d’une observation statique pour la MDA (uniquement l’année 2012) et dynamique pour l’Agessa (évolution du pourcentage entre 2002 et 2010, sans que les bases de calculs ne soient fournies). En 2009, par exemple, le taux d’admission de l’Agessa était de 26% et celui de la MDA de 18,8%.

2012 affiliés > seuil affiliés < seuil total affiliés
MDA effectifs 15 773 6 653 22 426
% 70,3% 29,7% 100,0%
Agessa effectifs 11 513 2 570 14 083
% 81,8% 18,2% 100,0%
MDA affiliés < seuil total affiliés%
2012 6 653 22 426 29,7%
2011 5 202 25 395 20,5%
2010 5 410 21 540 25,1%
2009 4 403 23 420 18,8%
2008 4 788 22 418 21,4%
2007 4 437 22 087 20,1%

S’il est vrai qu’en 2012, les pourcentages montrent un écart qui semble significatif (environ 30% MDA et 20% Agessa), une observation dynamique pour la MDA, montre que ce pourcentage plus élevé provient notamment d’une diminution importante du nombre d’affiliés en 2012. Inversement le nombre d’affiliés de l’Agessa est en augmentation. Comme le précisent par ailleurs les rapporteurs : « A noter : l’augmentation tendancielle du nombre d’assujettis à la MDA. À l’inverse le nombre d’affiliés est stable ou en baisse à la MDA, en augmentation à l’Agessa. »

Environ un quart des « affiliés » ont des revenus artistiques inférieurs au seuil pour les deux organismes. En 2012 on compte 9 223 « affiliés à titre dérogatoire », soit 25,26% des affiliés ou 3,58% de l’ensemble des cotisants.

4/ Données relatives au fonctionnement des commissions dans les deux organismes

nombre deséancesdossiers 1ère annéedossiers maintientotal dossiers
MDA (1 commission) 20 645 6 489 7 134
Agessa (4 commissions) 16 326 2 244 2 570

Données 2012 source Agessa-MDA

Les rapporteurs affirment « les commissions professionnelles sont très consommatrices de temps, pour les personnels, mais aussi pour les artistes – indemnisés - qui y participent, avec une fréquence élevée pour certaines. » Cette petite phrase se présente (page 24 du rapport) comme un argument pour la suppression de la distinction affiliés/assujettis.

Nous estimons qu’en regard des faits, cette formulation est tendancieuse, l’implicite étant que les commissions professionnelles feraient perdre inutilement du temps et de l’argent à tout le monde.

Les services administratifs (« les personnels ») instruisent tous les dossiers, seul une très petite partie de ces dossiers passent en commission. Le temps que les personnels consacrent aux commissions est un temps de coopération avec les représentants des organisations professionnelles, cette collaboration entre administratifs et artistes auteurs ne peut être qualifiée de « perte de temps », elle permet un dialogue mutuellement enrichissant entre « gens de terrain » et « gens de bureau ».

Les représentants des artistes auteurs qui siègent dans ces commissions sont faiblement indemnisés (séance de 3 heures et demi à 3 smic horaire). Plus généralement, l’implication des représentants des artistes auteurs dans la gestion de leur régime est un atout, non une faiblesse. Son faible coût est sans commune mesure avec le service rendu.

Pour ce qui est de la fréquence des séances, il est à noter que le CAAP et les organisations professionnelles de la MDA ont fait en 2009 des propositions de procédures simplifiées avec pour objectif de réduire le nombre de dossiers soumis un par un à la commission professionnelle, ce qui aurait permis de diminuer le nombre de séances. Les dossiers sur lesquels il n’existe pas de doute quant à un avis favorable (primo affiliation et maintien) auraient été systématiquement délégués aux services administratifs et l’expertise de la commission professionnelle aurait été limitée aux cas litigieux susceptibles de recueillir un avis défavorable. A l’époque, les ministères de tutelles s’étaient opposés à cette proposition de bon sens qui aurait fait gagner du temps à tout le monde …