RÉFORME DU RÉGIME DE SÉCURITÉ SOCIALE DES ARTISTES AUTEURS

11ème épisode saison 1 : Le rôle de la commission professionnelle aujourd’hui et demain

1/ Le rôle actuel de la commission professionnelle

Les rapporteurs écrivent : « Les commissions professionnelles sont amenées à trier les « vrais » artistes, même avec un faible revenu, des « amateurs ». » Cette formulation nous semble également tendancieuse.

Les commissions professionnelles n’ont nullement pour rôle de déterminer parmi les cotisants qui est ou non professionnel. Elles donnent un avis sur les demandes d’affiliation à titre dérogatoire (moins de 5% des cotisants) en tenant compte de l’engagement professionnel des personnes concernées. C’est très différent.

Par ailleurs, les commissions professionnelles se prononcent sur les cas litigieux relatifs au champ d’application du régime.

Actuellement les commissions émettent un avis consultatif, règlementairement leurs avis techniques ne s’imposent pas aux CPAM. Néanmoins dans la pratique, leurs décisions sont systématiquement respectées, notamment en matière d’ouverture de droits aux artistes auteurs qui rencontrent des difficultés pour retirer des ressources de leur activité artistique.

2/ Les positions des rapporteurs

Les rapporteurs écrivent : « La création de la caisse par voie législative rendrait possible le transfert à la nouvelle caisse, de la responsabilité des décisions d’affiliation des artistes auteurs à l’assurance maladie qui relèvent aujourd’hui réglementairement des CPAM, sur la base des transmissions de l’AGESSA et de la MDA. »
« Recommandation N° 22 : Donner à la nouvelle caisse la mission de décider les affiliations à l’assurance maladie. »

Pour être en cohérence avec la recommandation N°6 (suppression de la distinction affiliés/assujettis ), la recommandation N°22 doit être complétée.

Amendement de la recommandation N° 22 du rapport :
Donner à la nouvelle caisse la mission de décider les affiliations à titre principal ou à titre complémentaire à l’assurance maladie.

Les rapporteurs écrivent : « Le rôle des commissions professionnelles, dont certaines se réunissent très, voire trop fréquemment, pourrait être recentré sur l’examen de la nature des activités prises en compte pour leur rémunération en droits d’auteurs et la vérification qu’elles relèvent du régime des artistes – auteurs et non du régime général des salariés ou du RSI. Il s’agirait d’un avis destiné à éclairer les décisions du directeur pour garantir le périmètre du régime.
Recommandation N° 7 : redéfinir les missions des commissions professionnelles, avec un rôle d’avis sur la nature des revenus d’activité, et non plus sur les personnes, afin de garantir, de façon limitative, le périmètre du régime des artistes auteurs. »

Telle que rédigée, cette recommandation pose problème.

Dans le texte, les rapporteurs semblent vouloir attribuer au directeur une prérogative inédite [1] : celle de décider in fine de l’affiliation ou non d’un artiste auteur indépendamment de l’expertise de la commission professionnelle. C’est un non sens, les décisions de la commission professionnelle, par délégation du Conseil d’administration, doivent être opposables au directeur et non simplement « l’éclairer » si bon lui semble.

Les rapporteurs semblent vouloir cantonner la commission professionnelle à un avis technique sur le champ d’application suite à la suppression de la distinction affiliés/assujettis.

Nous avons vu que cette suppression n’est possible que si elle est accompagnée de mesures qui évitent toute régression sociale pour l’ensemble des artistes auteurs, ce qui implique notamment de garantir les droits sociaux des artistes auteurs dont l’activité professionnelle principale est l’activité artistique ou dont les revenus cumulés sont faibles.

La commission professionnelle doit garder son rôle d’expertise non seulement dans les cas litigieux relatifs au champ d’application mais également dans les cas litigieux d’affiliation à titre principal.

Le transfert de compétence en matière d’affiliation entre les CPAM et le nouvel organisme doit conforter le rôle décisionnaire de la commission professionnelle sur les cas litigieux en matière d’affiliation et de vérification du champ d’application.

3/ La gestion de la suppression de « l’affiliation à titre dérogatoire »

Grâce aux cumuls des cotisations dans divers régimes pour l’ouverture des droits sociaux, à l’avenir, une partie des pluriactifs « affiliés à titre dérogatoire » n’auront plus besoin de l’être. Le cumul de leurs activités les couvrira socialement.

Actuellement certains « affiliés à titre dérogatoire » de l’Agessa demandent cette affiliation pour pouvoir valider des droits à la retraite (la cotisation vieillesse n’étant pas appelée aux « assujettis »). Le paiement généralisé des cotisations vieillesse supprimera une des causes « d’affiliation à titre dérogatoire ».

Certains artistes auteurs (confondant professionnalité et affiliation) demandent leur « affiliation à titre dérogatoire » pour des raisons symboliques, en vue d’une reconnaissance sociale. La suppression de la distinction affiliés/assujettis et une meilleure information sur le rôle d’un organisme de sécurité sociale écartera cette cause symbolique.

Ainsi la mise en œuvre de la réforme devrait permettre progressivement de supprimer certaines des causes actuelles d’« affiliation à titre dérogatoire ». Reste qu’un artiste auteur dont la principale activité professionnelle est une activité artistique non salariée doit pleinement pouvoir bénéficier de la couverture sociale de son régime, or cet aspect essentiel n’a pas été clairement prévu par les rapporteurs. (voir cet article)

Le rôle fondamental de l’organisme de sécurité sociale des artistes auteurs est la protection sociale donc la gestion de l’ouverture des droits et de la collecte des cotisations.

A l’avenir l’instruction des dossiers par les services administratifs nécessitera, outre la vérification du champ d’application, l’examen des droits sociaux ouverts, y compris le cas échéant dans les divers régimes dont dépend l’artiste auteur (notamment la prise en compte du cumul des cotisations avec le régime général).

Dans la très grande majorité des cas, les services administratifs pourront se prononcer sur une affiliation à titre principal ou à titre complémentaire au régime des artistes auteurs en prenant connaissance de la nature des activités de l’artiste auteur, des revenus qu’il en tire et de l’ouverture de droits qui en découle.

Le caractère complémentaire de l’activité artistique non salariée est indubitable quand l’autre activité professionnelle procure des revenus conséquents qui permettent une protection sociale complète (les profils pluriactifs 3, 4 et 5 seront très majoritairement dans ce cas ; voir cet article).

Le caractère principal de l’activité d’artiste auteur non salariée est indubitable s’il s’agit de la seule activité professionnelle (cf profil 1 mono-actifs ; voir cet article). La protection sociale de ces artistes auteurs ne sera complète que si leur revenu artistique atteint le seuil de validation de 4 trimestres retraite (800 smic horaires dans le régime général). Sinon il est impératif qu’ils puissent cotiser volontairement à hauteur de ce seuil.

Le caractère principal de l’activité d’artiste auteur non salariée peut nécessiter un examen plus circonstancié si l’artiste auteur exerce une activité professionnelle secondaire (cf profil pluri-actif 2 ; voir cet article). La protection sociale de ces artistes auteurs ne sera complète que si leurs revenus cumulés atteint le seuil de validation de 4 trimestres retraite (800 smic horaires dans le régime général). Sinon il est impératif qu’ils puissent cotiser volontairement à hauteur de ce seuil.

Ainsi les artistes auteurs qui exercent leur activité artistique à titre principal et/ou qui n’auraient pas les revenus suffisants pour bénéficier d’une couverture sociale complète doivent avoir la possibilité de cotiser sur le seuil de validation de 4 trimestres retraite, à l’instar des « affiliés à titre dérogatoire » d’aujourd’hui.

Nous avons vu qu’une couverture sociale complète comprend notamment le droit aux prestations en espèces, la validation de 4 trimestres retraite, le droit à l’ASS (Allocation Spéciale de Solidarité) et à la formation continue.

C’est donc pour valider l’ensemble de ces droits que les artistes auteurs ayant des revenus cumulés inférieurs au seuil de validation doivent avoir la possibilité de cotiser à la hauteur de ce seuil.

Si, à l’avenir, les modalités de cotisations à la retraite complémentaire devenaient exclusivement en pourcentage du revenu, et non plus par tranches optionnelles comme c’est le cas actuellement, il faudrait également que ces mêmes artistes auteurs puissent cotiser à hauteur du seuil pour la vieillesse complémentaire.

4/ Redéfinir la mission de la commission professionnelle

Le rôle de la commission professionnelle pourrait se recentrer sur l’examen des droits sociaux ouverts ou non, dès lors que la personne relève du champ d’application du régime. En regard de cette mission recentrée de la commission professionnelle, il nous semble qu’elle pourrait être unique à l’instar de la commission d’action sociale.

Les « demandes d’affiliation à titre dérogatoire » disparaissant suite à la suppression affiliés/assujettis, a minima, la possibilité d’opter pour cotiser à la hauteur du seuil devrait être ouverte pour les artistes auteurs affiliés à titre principal et pour les artistes auteurs affiliés à titre complémentaire dont les revenus cumulés n’atteignent pas le seuil.

Les dossiers sur lesquels il n’existerait pas de doute quant à un avis favorable (sur le champ d’application et sur l’option de cotisation demandée par l’artiste auteur) seraient gérés par les services administratifs quel que soit le montant du revenu artistique. Les services ne solliciteraient la commission professionnelle qu’en cas de doute sur un dossier.

Ainsi seuls les dossiers litigieux sur l’activité et les droits seraient examinés par la commission professionnelle.

La commission professionnelle se prononcerait sur les dossiers qui ne permettent pas de déterminer avec évidence :
• que l’activité exercée relève du régime, la catégorie professionnelle concernée
• que les revenus cumulés de l’artiste auteur sont inférieurs au seuil
• que l’activité artistique exercée est principale ou complémentaire.

Les rapporteurs notent : « La suppression de la distinction entre assujettis et affiliés doit être accompagnée du maintien de la commission d’action sociale, chargée de prendre en charge les cotisations de ceux des cotisants dont l’activité d’artiste auteur est la seule ou la principale source de revenus, qui éprouveraient des difficultés passagères à s’acquitter des cotisations leur permettant de valider leurs droits à l’assurance vieillesse. »

En premier lieu, nous avons vu que sont aussi particulièrement concernés les artistes auteurs affiliés à titre complémentaire dont les revenus cumulés seraient inférieurs au seuil, de plus l’enjeu ne se limite pas aux droits à l’assurance vieillesse.

En second lieu, la commission d’action sociale a son propre rôle clairement distinct de celui de la commission professionnelle. La commission d’action sociale (commune aux deux organismes) se réunit 4 fois par an. Elle se prononce sur des demandes de prise en charge de cotisations sociales en prenant connaissance des ressources du foyer fiscal. Les demandeurs sont anonymes. Actuellement la population concernée est limitée aux « affiliés à titre dérogatoire ». Cette commission n’examine pas les dossiers des artistes auteurs, ni la nature de leur activité. L’instruction des dossiers en amont donne les éléments nécessaires à la décision d’aide.

L’examen des dossiers litigieux sur l’activité relève de la commission professionnelle.
L’examen des demandes d’aide relève de la commission d’action sociale.

Le rôle de la commission d’action sociale ne peut être confondu avec celui de la commission professionnelle. Chaque instance a sa propre fonction : demande d’aide financière d’un côté, examen des dossiers litigieux sur l’activité et les droits de l’autre.