RÉGIME SOCIAL DES AA : POUR LA SUPPRESSION DE LA PROVISION FORFAITAIRE DE DÉBUT D’ACTIVITÉ

La provision forfaitaire de début d’activité s’avère être une hérésie.
Trois ans après la mise en œuvre de la réforme du régime social des AA et le transfert de la collecte des cotisations à l’Urssaf Limousin, il convient de faire le point notamment sur les dispositions qui posent problème.

1/ L’instauration de la provision forfaitaire de début d’activité

Depuis le 1er janvier 2020, l’article R382-24 du code de la sécurité sociale modifié par le Décret n°2018-1185 du 19 décembre 2018, a instauré la disposition suivante :
« Pour les deux premières années d’activité artistique, les cotisations provisionnelles sont calculées sur la base d’un revenu forfaitaire fixé à 600 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance. Lorsque les revenus d’activité artistique de la dernière année écoulée sont définitivement connus, les cotisations provisionnelles sont recalculées et ajustées sur la base de ces revenus. Lorsque les revenus d’activité artistique de l’année au titre de laquelle elles sont dues sont définitivement connus, les cotisations font l’objet d’une régularisation sur la base de ces revenus. »

Auparavant aucune cotisation provisionnelle n’était appelée en début d’activité, l’AA ne payait que les cotisations effectivement dues une fois son revenu connu l’année suivante.

La provision forfaitaire de début d’activité a été instaurée par la réforme de 2018.
Elle est calculée par défaut sur un montant de 600 SMIC horaire :
Au 1er janvier 2023 : 600 SMIC horaire = 600 x 11,27 € = 6 762 €
Les cotisations provisionnelles appelées s’élèvent à 1 095 € par an, soit 274 € par trimestre.

Dans l’ensemble des artistes-auteurs et autrices immatriculé•es comme AA par l’Urssaf Limousin moins d’un quart a effectivement une assiette sociale au moins égale à 600 SMIC horaire. Cette proportion devient évidemment homéopathique en début d’activité.

  • Qui est concerné ?

Tous les AA qui ont besoin de faire des factures donc qui sont tenus de déclarer leur activité au CFE (centre de formalités des entreprise) pour obtenir un numéro de Siret.

Il s’agit notamment de jeunes AA, mais aussi des moins jeunes, l’activité artistique pouvant être débutée à n’importe quel âge.

Il s’agit de n’importe quel AA ayant obtenu un numéro de Siret même si, en pratique, il ne perçoit que des droits d’auteurs versés par des éditeurs, des producteurs ou des organismes de gestion collective (ADAGP, SACD, SACEM, SAIF, SOFIA) et qu’il les déclare en traitement et salaires (TS)

Il s’agit des AA qui déclarent en traitement et salaires (TS) leurs droits d’auteurs versés par des éditeurs, des producteurs ou des organismes de gestion collective (ADAGP, SACD, SACEM, SAIF, SOFIA), mais qui perçoivent aussi d’autres types de rémunérations artistiques nécessitant une facturation donc qui sont également tenus de déclarer leur activité pour obtenir un numéro de Siret.

Il s’agit des AA qui ne veulent plus déclarer en traitement et salaires (TS) leurs droits d’auteurs versés par des éditeurs, des producteurs ou des organismes de gestion collective (ADAGP, SACD, SACEM, SAIF, SOFIA), et qui optent pour les déclarer en micro-BNC afin de minorer leurs impôts et leurs cotisations sociales.

Au final, tous les AA qui déclarent pour la première fois leur activité sont concernés. C’est en effet, l’obtention d’un numéro de Siret via le CFE (centre de formalités des entreprise) qui déclenche automatiquement l’appel d’une provision forfaitaire de cotisations par l’Urssaf Limousin.

  • Quid de la « modulation » ?

La modulationpar dérogation et uniquement sur demande expresse de l’AA – qui est théoriquement prévue dans l’article R382-24 du code de la sécurité sociale s’est avérée être un garde-fou insuffisant et inapproprié en particulier pour les AA en début d’activité.

Il en résulte de nombreuses difficultés, faute de formation initiale des AA sur leur régime social, faute d’information sur la possibilité de modulation, faute de pouvoir effectivement moduler parce que c’est trop tard ou parce que l’AA est confronté à un problème technique sur le portail, etc.

En fait, parmi l’ensemble des AA, très peu d’AA savent qu’il est possible de ne pas verser de provisions à l’Urssaf Limousin.

Ainsi l’instauration d’une provision forfaitaire à tous les AA qui déclarent pour la première fois leur activité artistique s’avère être une embûche préjudiciable, inappropriée et inutile.
Rien ne justifie de complexifier le début d’activité des AA et de favoriser ceux qui ont la chance, à la fois, de savoir qu’ils peuvent moduler et de pouvoir effectivement le faire
.

2/ Le communiqué commun du 10 juillet 2023

Pour mémoire, le communiqué commun du 17 novembre 2021 : « Non à l’asphyxie financière des artistes-auteurs via l’Urssaf limousin ».

10 juillet 2023,

RÉGIME SOCIAL DES ARTISTES-AUTEURS ET AUTRICES : POUR LA SUPPRESSION DE LA PROVISION FORFAITAIRE DE DÉBUT D’ACTIVITÉ

Dans le « plan parcours de l’artiste-auteur » du ministère de la Culture, l’un des enjeux affichés est « l’attention portée à la jeune création ». Pourtant, les jeunes créateurs et créatrices n’ont jamais été aussi mal traités administrativement. Ils ne sont pas formés dans leurs établissements supérieurs en ce qui concerne leurs conditions d’exercice professionnel et leurs droits sociaux. Dès qu’ils déclarent leur activité, l’administration fiscale leur demande de payer une cotisation foncière des entreprises dont ils sont normalement exonérés, et l’administration sociale (l’Urssaf Limousin) leur demande de payer des cotisations qu’ils ne doivent pas réellement !

Cette situation est indigne.

Normalement, les artistes-auteurs et autrices cotisent proportionnellement à leur revenu.
Mais, depuis le transfert de la collecte des cotisations à l’Urssaf Limousin en 2019, le gouvernement a décrété qu’une provision forfaitaire calculée sur 600 smic horaire (6762 € en 2023) serait imposée aux artistes-auteurs et autrices dès qu’ils déclarent leur activité au centre de formalité des entreprises et obtiennent un numéro de Siret pour déclarer leurs revenus en BNC.

Cette disposition, qui engendre le versement à l’Urssaf de provisions disproportionnées au revenu réel de l’artiste-auteur ou autrice qui débute, est totalement inadaptée à la population des artistes-auteurs et autrices.

Les trois quarts des artistes-auteurs et autrices gagnent moins de 600 smic horaire par an.
La probabilité de gagner ce montant la première année de déclaration d’activité avoisine donc zéro.

Dans la pratique, les montants de cotisations appelés aux artistes-auteurs et autrices qui déclarent leur activité peuvent s’avérer supérieurs à la totalité de leur revenu réel ! Ces provisions ne sont régularisées par l’Urssaf Limousin que l’année suivante quand le revenu réel de l’artiste-auteur ou autrice est connu.

Cette disposition est aussi inique que contreproductive. En effet, elle a non seulement pour conséquence de mettre de nombreux artistes-auteurs et autrices en grande difficulté mais aussi de les décourager de déclarer leur activité artistique. Elle freine ainsi leur professionnalisation. Elle tend à la fois à pénaliser la création artistique et à favoriser le travail au noir. De fait, nous constatons depuis 3 ans que le système de modulation basé sur un futur revenu annuel, donc inconnu, reste largement inopérant, notamment pour les entrants.

C’est pourquoi nous demandons instamment au gouvernement de supprimer la provision forfaitaire de début d’activité des artistes-auteurs et autrices , donc de modifier en ce sens l’article R382-24 du code de la sécurité sociale qu’il a institué par décret et qui est entré en vigueur au 1er janvier 2020.

Organisations signataires :
AdaBD – Association des auteurs de bandes dessinées
AICA France – Association internationale des critiques d’arts
CAAP – Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs et autrices
CEA – Association française des commissaires d’exposition
La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
Chorégraphes Associé•e•s
La Ligue des auteurs professionnels
Les États généraux de la bande dessinée
SAJ – Société des auteurs de jeux
SDS – Syndicat des scénaristes
SELF – Syndicat des écrivains de langue française
SMC – Syndicat français des compositrices et compositeurs de musique contemporaine
SNAA-FO – Syndicat national des artistes-auteurs FO
SNAP-CGT – Syndicat national des artistes plasticiens CGT
SNP – Syndicat national des photographes
SNSP – Syndicat national des sculpteurs et plasticiens
UNPI – Union nationale des peintres-illustrateurs
USOPAVE – Union des syndicats et organisations professionnels des arts visuels et de l’écrit

2023_07_10_Communique_AA_Suppression_Forfait