COVID-19 ET ARTISTES-AUTEURS 1 :
LES MESURES GÉNÉRALES D’AIDE AU MAINTIEN DE L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

Les annonces du ministre en date du 27 mars 2020 sont très loin de répondre aux besoins et aux attentes des artistes-auteurs et de leurs syndicats.

À l’heure de la crise sanitaire, suite au communiqué ministériel du 18 mars 2020 (voir pdf en fin d’article), le 27 mars 2020, le ministre de la Culture a annoncé « le premier plan d’action en faveur des artistes-auteurs » (voir pdf en fin d’article). Malheureusement ce plan ne prend nullement la mesure de la situation des artistes-auteurs jetés dans une précarité exacerbée. Le ministre a d’abord présenté les « mesures d’urgence transversales annoncées par le gouvernement » (plus ou moins applicables aux créateurs). Puis il a annoncé des mesures dites « sectorielles à titre subsidiaire et complémentaire » dont nous ferons l’analyse dans un second article.

Les mesures générales du gouvernement dans le cadre de « l’état d’urgence sanitaire »

1/ Report de charges

  • Cotisations sociales des artistes-auteurs

– Urssaf Limousin
Le recouvrement des cotisations et le contentieux ont été automatiquement suspendus. Les acomptes initialement prévus ont été reportés sur les échéances suivantes.
En prévision de votre chute de revenu en 2020, vous pouvez de nouveau moduler le montant de vos acomptes provisionnels en fournissant une nouvelle estimation de votre revenu en 2020. Les échéances seront modifiées en conséquence.
Liens utiles :
Portail Urssaf dédié aux artistes-auteurs
Site Urssaf informations aux artistes-auteurs
Site Urssaf informations générales

– Mda-Agessa
La Mda et l’Agessa, sont en charge du recouvrement antérieur au 1er janvier 2020. Actuellement le contentieux est suspendu.
Site sécurité sociale des artistes-auteurs

– IRCEC-RAAP (retraite complémentaire)
Les échéances sont reportées au 30 juin 2020.
Site IRCEC
Aide sociale
Vous trouverez-ci dessous le formulaire de demande d’aide sociale

  • Impôts

Modulation d’acompte : il est possible de moduler à tout moment le taux et les acomptes de prélèvement à la source. Il est aussi possible de reporter le paiement de vos acomptes de prélèvement à la source sur vos revenus professionnels d’un mois sur l’autre jusqu’à trois fois si leurs acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre sur l’autre si leurs acomptes sont trimestriels.
Toutes ces démarches sont accessibles via votre espace particulier, rubrique « Gérer mon prélèvement à la source » : toute intervention avant le 22 du mois sera prise en compte pour le mois suivant.
Site des impôts

  • Loyers, eau, gaz et électricité

Vous pouvez faire des demandes à l’amiable de report ou d’étalement aux entités auprès desquelles vous payez ces factures : votre bailleur, votre fournisseur de gaz, d’eau ou d’électricité...
Quoiqu’il en soit, en cas de défaut de paiement de ces factures, vos fournisseurs n’ont pas le droit de suspendre ou interrompre leurs fournitures et vous serez exonérés de pénalités de retard (cf communiqué du 27 mars 2020).
Site du ministère de l’économie

Ces mesures repoussent plus ou moins une asphyxie financière immédiate suite à la suspension forcée d’activité professionnelle. Mais à la sortie du confinement les artistes-auteurs ne seront pas plus riches. L’endettement n’est pas une solution.

Le CAAP demande des aides efficientes pour permettre aux artistes-auteurs de faire face aux charges qui de facto continuent de courir.
Le CAAP demande la prise en charge des cotisations sociales tant que la crise sanitaire et économique durera
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2/ Arrêt de travail pour garde d’enfants

Pour connaitre les conditions et modalités pratiques, cliquer ici

Nous notons un point positif : l’ajout de la mention « artistes-auteurs » dans le menu déroulant d’Ameli, ce qui devrait limiter les dialogues de sourds habituels avec les CPAM qui demandent éternellement des fiches de paie aux AA. Normalement les CPAM doivent se rapprocher de la Mda-Agessa pour connaître le montant de votre dernière assiette sociale (2017-2018) pour le calcul de vos indemnités.

Remarque  : cette mesure est compatible avec les aides spécifiques aux artistes-auteurs. Elle est cumulable avec la subvention mensuelle du fonds de solidarité à condition que le montant global des IJSS (indemnités journalières de sécurité sociale) soit inférieur à 800 € (ce qui correspondrait pour 20 jours, à 40 €/jour et une assiette sociale de 29 200 €).

La mesure est renouvelable jusqu’à la réouverture des établissements scolaires.

3/ Fonds de solidarité pour les travailleurs non-salariés

Pour connaître les conditions et modalités pratiques du premier volet, cliquer ici.
  • Des artistes-auteurs théoriquement éligibles mais exclus par la conception même du formulaire

Selon le décret : « Ce fonds, financé notamment par l’État, les régions et les collectivités d’outre-mer, bénéficie aux personnes physiques (travailleurs indépendants, artistes-auteurs, etc.) et aux personnes morales de droit privé (sociétés, associations, etc.) exerçant une activité économique et remplissant les conditions suivantes ». Et selon la FAQ « ce fonds s’adresse aux commerçants, artisans, professions libérales et autres agents économiques, quel que soit leur statut (société, entrepreneur individuel, association…) et leur régime fiscal et social ».

Or, plus d’un mois après la mise en place de ce fonds, la validation de la demande via le formulaire impose de mentionner un numéro de SIRET, ce qui exclut de fait les artistes-auteurs qui déclarent fiscalement leurs revenus en traitements et salaires (TS). Ce problème a été signalé depuis le début par le CAAP et les autres syndicats d’artistes-auteurs. La DGFIP est supposée résoudre ce « problème technique » depuis un mois. Au 19 avril 2020, la « case » artistes-auteurs n’a toujours pas fait son apparition dans le formulaire de la DGFIP. En attendant, la date limite de demande d’aide est reportée au 15 mai au lieu du 30 avril pour les artistes-auteurs.

  • Une loterie qui fera plus de perdants que de gagnants chez les artistes-auteurs

Le mode de calcul de la subvention mensuelle qui a été adopté par le gouvernement est inadapté à la situation des artistes-auteurs et laisse beaucoup d’entre eux — les moins chanceux et les plus fragiles — sur le bord de la route.

Subvention mars 2020 : L’indemnité (plafonnée à 1 500 €) du mois de mars se calcule par différence entre le chiffre d’affaires du mois mars 2019 et celui du mois mars 2020.

Ce dispositif est visiblement pensé pour des entreprises dont les recettes sont régulières et continues. Donc inadapté à de nombreux travailleurs non-salariés.

Pour les artistes-auteurs, la situation est pire encore en raison du caractère systématiquement dissocié entre le travail de création et sa rémunération. Nous travaillons (créons des œuvres) mais ne savons jamais vraiment quand, ni combien, nous serons payés pour ce travail. Le décalage peut être énorme.

La notion de chiffre d’affaires mensuel est donc particulièrement dénuée de sens pour les artistes-auteurs qui perçoivent leurs recettes au cours de l’année (souvent pour des travaux largement antérieurs) à des dates aussi aléatoires qu’indépendantes de leur volonté.

Ce comparatif mensuel engendre donc des effets d’aubaines aléatoires et des exclusions aberrantes du dispositif.

NB : Le chiffre d’affaires d’un artiste-auteur est le montant brut (hors taxe et hors précompte social) des recettes encaissées.
Exemples : en 2019, le chiffre d’affaires annuel de Ludovic était de 3 600 € dont 1 800 € perçus en mars 2019. En mars 2020, son chiffre d’affaires est nul, Ludovic perçoit 1 500 € de subvention (montant du plafond). Une subvention mensuelle au prorata de son dernier chiffre d’affaires aurait été de 300 €.

En 2019, le chiffre d’affaires annuel de Juliette était de 12 000 € dont 200 € perçus en mars 2019. En mars 2020, son chiffre d’affaires est de 300 €, Juliette ne perçoit aucune subvention. Une subvention mensuelle au prorata de son dernier chiffre d’affaires aurait été de 1 000 €.

Devant les nombreuses protestations relatives à ce mode de calcul, le décret instaurant le fonds de solidarité a été modifié par le gouvernement le 16 avril 2020.

Subvention avril 2020 : L’indemnité (plafonnée à 1 500 €) du mois d’avril pourra se calculer au choix : soit par différence entre le chiffre d’affaires du mois d’avril 2019 et celui du mois d’avril 2020, soit par différence entre le chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019 et celui du mois d’avril 2020.

Cette avancée augmente certes les chances de « gagner à la loterie » mais l’aléa persiste car le comparatif avec le chiffre d’affaires mensuel en 2020 est maintenu. Or, les recettes mensuelles perçues en 2020 sont des paiements aléatoires de travaux antérieurs à la crise. L’effet de la crise sera nécessairement décalé dans le temps.

Exemple  : en 2019, le chiffre d’affaires annuel de Léo était de 24 000 € dont 1 500 € perçus en avril 2019. En avril 2020, son chiffre d’affaires est de 2 600 €, Léo ne percevra aucune subvention quel que soit le mode de calcul. Une subvention mensuelle au prorata de son dernier chiffre d’affaires aurait été de 1 500 € (montant du plafond).

Les conditions d’octroi (inchangées) posent également problème.
Pour obtenir la subvention du premier volet, il faut soit être « en fermeture administrative », soit avoir subi une perte d’au moins 50 % de chiffre d’affaires. Seule une partie des artistes-auteurs peut être considérée en « fermeture administrative » : ceux qui reçoivent habituellement « du public » sur leur lieu de travail (atelier, studio). Les autres n’obtiendront pas d’aide, s’ils ne remplissent pas la seconde condition. Or, comme vu précédemment, le comparatif avec un chiffre d’affaires mensuel en 2020 relève de la loterie, le pourcentage de « chute » est aléatoire. Malheur à ceux qui par hasard auront encaissés « trop » en 2020, même si c’est peu en réalité.

Les retraités actifs (très nombreux chez les artistes-auteurs) sont exclus du dispositif et ce, quels que soient le montant de leur pension de retraite qui est souvent très faible.

Le gouvernement a limité la subvention du second volet versé par les Régions aux « très petites entreprises ayant au moins un salarié » et justifie cette décision par les risques de faillite « en raison principalement de leurs frais fixes ». Les artistes-auteurs employant des salariés sont extrêmement rares, en revanche, ils peuvent avoir des frais fixes largement supérieurs au plafond de 1 500 € du premier volet (notamment du fait des loyers d’ateliers ou de studio), or ils sont exclus de ce dispositif « anti-faillite ».

Remarque : Depuis le début, le CAAP et d’autres syndicats d’artistes-auteurs demandent qu’a minima soit versée une aide mensuelle plafonnée égale au douzième du dernier chiffre d’affaires annuel connu. Notre chiffre d’affaires annuel (montant brut des droits d’auteurs pour les TS ou montant des recettes pour les BNC) est connu de la Mda et de l’Agessa qui disposent également de notre RIB depuis le versement de « l’aide au pouvoir d’achat » (compensation de la hausse de la CSG). Donc, tous les éléments nécessaires au versement de cette aide sont connus pour 2017-2018. Ils seront également connus de l’Urssaf Limousin pour 2019 lors de nos déclarations sociales (repoussées à juin 2020).

Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, inadapté et injuste ?

Par ses mesures générales, le gouvernement démontre qu’il connaît fort mal les modèles économiques des travailleurs non-salariés en général, et celui des artistes-auteurs en particulier.

Le CAAP demande a minima le versement de subventions au prorata du dernier chiffre d’affaires connu aux artistes-auteurs actifs et l’ouverture du second volet aux artistes-auteurs dont les charges fixes dépassent le plafond de 1 500 €.
Le CAAP demande l’adaptation et la prolongation du fonds de solidarité tant que les effets de la crise sanitaire et économique pèseront sur les artistes-auteurs.
Communique_de_Presse_18_mars_2020
27032020_MC-CP-plan_d_action_artistes-auteurs