FISCALITÉ AA : LA CONTRIBUTION INTERSYNDICALE DE 2020 RESTÉE LETTRE MORTE

1/ LE REFUS DE CLARIFIER LE DROIT EXISTANT

Depuis plusieurs années, de nombreuses réunions se tiennent au ministère de la Culture sur la fiscalité des artistes-auteurs et autrices (AA).

Deux groupes de travail ont été constitués : l’un créé par la « Délégation aux politiques professionnelles et sociales des auteurs et aux politiques de l’emploi » et l’autre créé par le Conseil national des professions des arts visuels (CNPAV).

Ces réunions, auxquelles le CAAP a participé activement et assidûment, se sont tenues en présence de la mission fiscalité du ministère de la Culture. En 2019, cette mission avait apporté des éclaircissements. Or ces éclaircissements n’ont pas plu aux OGC (Organismes de Gestion Collective, notamment SACEM, SCAM, SACD, …) et à certaines organisations liées à ces mêmes OGC (SGDL, SNAC, …).

Depuis, notamment en matière d’imposition en TS, le ministère de la Culture — avant tout soucieux de ne pas déplaire aux OGC — veille à noyer le poisson sans répondre à nos demandes de clarifications. L’administration fiscale elle-même continue de rester floue dans sa notice annuelle 2041GJ (cf PJ en fin d’article).

Ainsi le millésime 2022 de cette notice sur l’imposition des droits d’auteur se contente d’écrire :
« Les produits de droits d’auteur perçus par les auteurs des œuvres de l’esprit, définies à l’article L.112-2 du code de la propriété intellectuelle, entrent dans la catégorie des bénéfices non commerciaux conformément à l’article 92.2-2° du code général des impôts.
Pour autant, ces produits sont imposables à l’impôt sur le revenu :
– dans la catégorie des traitements et salaires s’ils sont intégralement déclarés par des tiers ;
– dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) dans le cas contraire ou en cas d’option pour ce régime.
 » sans préciser que les tiers qui déclarent des droits d’auteur aux impôts sont précisément et exclusivement les éditeurs, les producteurs et les OGC (EPO).

En 2020, l’intersyndicale a demandé que cette notice soit enfin clarifiée, donc que les EPO soient clairement mentionnés, plutôt que de continuer à laisser planer un flou préjudiciable aux artistes-auteurs et autrices. Le lobbying des OGC et la lâcheté des ministères ont fait obstacle à cette clarification.

Que le droit existant soit occulté pour plaire à des lobbies en dit long sur l’état du droit en France à l’heure de la Start-up Nation…

2/ LA CONTRIBUTION INTERSYNDICALE COMMUNE / FISCALITÉ Du 7 décembre 2020

Le régime déclaratif spécial TS instauré par l’article 93-1quater du CGI date de la loi de finance rectificative du 21 décembre 1973. À l’origine, ce régime déclaratif était réservé aux écrivains et compositeurs (bien que tous les artistes-auteurs perçoivent des droits d’auteur...). Suite notamment au redressement fiscal du dessinateur Albert Uderzo, il a été élargi à tous les artistes-auteurs par la loi du 28 décembre 2011.

L’article 241 du CGI désigne les tiers déclarants visés par l’article 93-1quater :
« Les entreprises, sociétés ou associations qui procèdent à l’encaissement et au versement des droits d’auteur ou d’inventeur sont tenues de déclarer, dans les conditions prévues aux articles 87, 87A, 89 et 89A, le montant des sommes qu’elles versent à leurs membres ou à leurs mandants ». Sont visés les OGC, les éditeurs et les producteurs mais ils ne sont pas mentionnés explicitement.

L’assujettissement des droits d’auteur à la TVA date du 1er octobre 1991. Les EPO (éditeurs, producteurs, OGC) ont l’obligation légale de retenir la TVA à la source (sauf renoncement express de l’artiste-auteur). Cette fois l’article 285bis du CGI vise explicitement les EPO : « Les éditeurs, organismes de gestion collective de droits et les producteurs qui versent des droits mentionnés au 2 du III de l’article 293B doivent, sauf lorsque l’auteur a renoncé à ce dispositif en application du 3, retenir sur le montant de ces droits la taxe sur la valeur ajoutée due par l’auteur et acquitter cette taxe au Trésor. »

Ainsi, les écrivains et les compositeurs se trouvent depuis longtemps dans un régime déclaratif dérogatoire mais obligatoire sauf option expresse BNC. Or leurs revenus, comme ceux de tous les autres artistes-auteurs, ne sont pas toujours exclusivement des droits d’auteur versés par des EPO. Mais ces artistes-auteurs n’ont pas toujours été clairement informés des règles applicables, ni de la possibilité de déclarer en BNC, ni des tenants et aboutissants de ces deux régimes déclaratifs.

Le régime de l’évaluation administrative des bénéfices (micro-BNC = frais forfaitaires versus « déclaration contrôlée » = frais réels) est postérieur au régime TS, il a notamment été précisé en 1999.

Le régime déclaratif spécial micro-BNC a beaucoup évolué dans le temps. Contrairement au régime TS qui n’a fait que modifier en 2011 les « bénéficiaires » mais sans en tirer clairement toutes les conséquences pour les artistes-auteurs, notamment sur les règles d’imposition de leurs revenus qui sont souvent diversifiés (c’est-à-dire que nos revenus ne sont pas toujours constitués exclusivement de droits d’auteur, ni de droits d’auteur versés exclusivement par des EPO) et sur l’articulation entre les deux régimes déclaratifs (TS et BNC).

Nous savons que nous sommes des travailleurs non-salariés.
Nous avons compris que nos revenus sont par nature des BNC professionnels, même quand ils sont déclarés en TS. Nous avons compris que la dérogation TS est fondée sur le fait qu’il s’agit de droits d’auteur déclarés aux impôts par des tiers (comme le sont les salaires qui sont déclarés aux impôts par les employeurs) et que la TVA est obligatoirement retenue à la source par ces tiers (sauf si nous décidons d’y renoncer et de gérer nous-même la TVA).

Nous demandons que soit levée toute insécurité juridique.

  • Aujourd’hui notre première demande est celle d’une clarification du droit existant.

À cet égard, vous trouverez en PJ nos propositions de modifications de la rédaction de la notice d’accompagnement du formulaire 2042 actuellement rempli par tous les déclarants en TS.

Il importe que tous les artistes-auteurs sachent enfin les revenus qu’ils peuvent ou non déclarer sur le formulaire 2042 et ceux qu’ils doivent déclarer sur le formulaire 2042C pro.

Les EPO encaissent et répartissent nos droits d’auteur, puis nous communiquent un décompte de droits. Ainsi nous n’avons pas besoin d’émettre de facture pour percevoir ces rémunérations (qui sont, sauf option BNC, précomptées socialement, et prélevées à la source de TVA, sauf renonciation expresse).

En revanche, nos autres partenaires économiques n’encaissent pas de droits d’auteur pour notre compte, ils ont au contraire besoin de factures de notre part pour nous verser la rémunération convenue. Jusqu’ici une partie d’entre nous (déclarants uniquement en TS) émettait des « notes d’auteur » sans numéro de Siret et sans numéro de TVA mais mentionnant un précompte social et éventuellement un taux de TVA. Ce document est loin d’être facile à établir. Nous ne savons pas toujours exactement quels taux de cotisations sociales et quel taux de TVA nous devons appliquer. Les taux et les seuils varient. Parfois ce sont nos commanditaires eux-mêmes qui établissent ces « notes d’auteur » et nous demandent de les signer. Mais là encore, nous ne sommes pas toujours en mesure de vérifier l’exactitude des calculs qu’ils effectuent. De plus, nous n’avons aucune garantie que le précompte social qui est alors soustrait à notre rémunération soit effectivement versé à l’Urssaf Limousin et nous avons beaucoup de difficultés à obtenir nos certificats de précompte.

Aujourd’hui nous avons besoin de savoir si ces pratiques sont légales ou non ?
Est-il légalement possible d’établir des factures sans avoir au préalable déclaré son activité d’artiste-auteur donc sans disposer d’un numéro de Siret et d’un numéro de TVA intracommunautaire ?
Peut-on obliger un partenaire économique à effectuer et verser un précompte social à l’Urssaf ?

NB : actuellement divers services comptables refusent nos « notes d’auteur » et nous demandent des factures avec Siret…
De plus, depuis le 1er janvier 2020, il est obligatoire de passer par le portail Chorus pour se faire payer par les structures publiques. Comment faire sans numéro de Siret ?

Parallèlement, les factures normales que pratiquent ceux d’entre nous qui ont un numéro de Siret sont visiblement plus simples à établir. Il suffit de porter sur la facture la mention « TVA non applicable - article 293 B du CGI » ou de connaître le taux de TVA applicable si nous avons des revenus qui dépassent le seuil de la franchise.

Dans ce contexte très particulier, nous demandons qu’il n’y ait aucune pénalisation des artistes-auteurs qui auraient mal appliqué le droit existant tant en matière de déclaration à l’impôt sur le revenu qu’en matière de facturation. Nous demandons également que cette tempérance perdure le temps d’informer les personnes concernées.

  • Deux premières demandes d’évolution du droit existant :
    — Option BNC : Nous demandons une simplification des modalités d’option. Nous ne comprenons pas pourquoi s’agissant des droits d’auteur versés par les EPO, le BOFIP impose des conditions particulières inutilement compliquées pour exercer l’option BNC (note écrite, option obligatoire pendant 3 ans et non reconductible tacitement). Nous demandons que le fait de remplir la 2042C pro tienne lieu d’option pour le BNC et qu’il soit possible de changer d’option chaque année. Pourquoi ces limitations alors que le TS est un régime dérogatoire ?
    — TVA : Nous demandons une révision générale des taux de TVA applicables à nos revenus. Les ateliers d’écriture et les ateliers de pratiques artistiques sont exonérés de TVA quand ils sont effectués dans l’atelier ou le studio de l’artiste-auteur mais la TVA est de 20 % quand ils sont effectués dans des établissements scolaires, des prisons, des hôpitaux, des bibliothèques, des entreprises, des lieux d’exposition, etc. Pourquoi cette pénalisation des artistes-auteurs qui pratiquent l’éducation artistique et culturelle ? Les éditeurs bénéficient d’une TVA à 5,5 %, les ventes d’œuvres originales aussi mais la TVA sur les droits d’auteurs est à 10 %. Pourquoi cette discrimination qui porte préjudice à de nombreux artistes-auteurs ?

AdaBD Association des Auteurs de Bandes Dessinées
CAAP Comité Pluridisciplinaire des Artistes-Auteur•trices
CEA Commissaires d’Exposition Associés
Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
CLAP Comité de Liaison et d’Action pour la Photographie
EGBD États Généraux de la Bande Dessinée
Guilde française des scénaristes
Ligue des auteurs professionnels
SELF Syndicat des Écrivains de Langue Française
SMC Syndicat français des compositrices et compositeurs de musique contemporaine
SMdA-CFDT Syndicat Solidarité Maison des Artistes CFDT
SNAA-FO Syndicat National des Artistes-Auteurs FO
SNAP-CGT Syndicat National des Artistes Plasticiens CGT
SNP Syndicat National des Photographes
SNSP Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens
UNPI Union Nationale des Peintres Illustrateurs
USOPAVE Union des Syndicats et Organisations Professionnels des Arts Visuels et de l’Écrit