LA GESTION SOCIALE DES ARTISTES-AUTEURS : PROFILS, PRÉJUGÉS ET INDICES ÉCONOMIQUES.

On peut distinguer trois profils économiques d’artistes-auteurs vivants :

  • Profil A : les artistes-auteurs pour qui l’activité artistique est
    la principale ou la seule activité professionnelle.
  • Profil B : les artistes-auteurs pour qui l’activité artistique est
    une activité professionnelle secondaire habituelle et constante.
  • Profil C : les artistes-auteurs pour qui l’activité artistique est
    une activité professionnelle secondaire marginale et/ou occasionnelle.

Chaque artiste-auteur sait lui-même dans quel profil économique il se situe.

Mais pour raisonner globalement sur la population des artistes-auteurs et sur la façon de les gérer socialement, il importe de se méfier des préjugés spontanés et des amalgames superficiels.

  • « Professionnalité » : Les artistes-auteurs « professionnels » ne peuvent être confondus avec le profil A. En réalité, les artistes-auteurs des trois profils économiques exercent professionnellement leur activité. Fiscalement les revenus des artistes-auteurs ont par principe le caractère de bénéfices des professions non commerciales. Les revenus des artistes-auteurs ne sont jamais des « revenus non professionnels ». De plus, le bulletin officiel des finances publiques et impôts précise : « La circonstance que l’activité en cause puisse être exercée parallèlement à une autre profession procurant à l’intéressé son moyen principal de subsistance n’exclut pas, par principe, la reconnaissance de son caractère professionnel ». De fait, l’autorat est une activité professionnelle déclarable fiscalement et socialement au premier euro perçu (un amateur pour sa part n’exerce pas cette activité à titre lucratif). La notion même d’amateurisme n’existe pas dans le code de la propriété intellectuelle qui spécifie les œuvres protégeables et les droits patrimoniaux. La question de la « professionnalité » s’avère pour les artistes-auteurs un faux débat. Nous sommes tous professionnels.
  • « Seuil d’affiliation » et revenu : Les artistes-auteurs dit « affiliés » (percevant un revenu supérieur ou égal au seuil d’affiliation) ne peuvent être confondus avec le profil A. Le revenu (bénéfice) détermine l’assiette fiscale et l’assiette sociale mais nullement le niveau de l’activité. Seules les recettes (ou chiffre d’affaires) peuvent constituer non pas un critère absolu mais un indice, parmi d’autres, du temps consacré à exercer professionnellement une activité artistique. Actuellement certains artistes-auteurs de profil A ne sont pas « affiliés », cependant que des artistes-auteurs de profil B ou C sont « affiliés ».
  • Le niveau des recettes artistiques n’est pas non plus en soi un critère opérationnel : Présumer d’une corrélation décroissante entre profils économiques et niveaux de recettes artistiques serait également erroné. De fait, des artistes-auteurs peuvent avoir des niveaux de recettes artistiques élevés ou faibles quel que soit le profil. Par exemple, une personne publique (star du showbiz ou du sport, homme politique, etc.) peut être l’auteur d’un livre qui lui rapporte des redevances de droits d’auteur conséquentes bien qu’il s’agisse d’une activité secondaire marginale occasionnelle (profil C). Inversement Van Gogh n’a vendu qu’un tableau dans sa vie, pourtant entièrement consacrée à la peinture (profil A). Henri Rousseau dit le Douanier Rousseau dont les tableaux n’ont commencé à être achetés qu’un an avant sa mort se situerait pour sa part dans le profil B...

La déconnexion entre le travail effectué et l’éventuelle rémunération qui en résulte est la principale spécificité de la création artistique.

De surcroît, le temps de gestation et de création d’une œuvre peut être long. Très long.
(À ce propos, il est toujours amusant de relire les réponses de Léonard de Vinci à ses commanditaires, qui protestaient contre ses retards de livraison d’œuvres... de plusieurs années ! Qui lui reprocherait aujourd’hui de n’avoir pas tenu ces délais, ni cédé un pouce sur sa propre exigence artistique ?)

Ainsi les critères économiques usuellement appliqués aux professions de type classique ne sont pas opérationnels pour les artistes-auteurs, ils ne constituent au mieux qu’un indice.

Exercer une activité artistique, c’est avant tout créer des œuvres. Or, si un artiste-auteur sait quand il commence une œuvre, en revanche il ne sait pas quand elle sera terminée. Et encore moins quand elle sera vendue, diffusée ou exploitée...

Actuellement, la « déclaration annuelle d’activités et de revenus » d’un artiste-auteur à l’organisme social précise ses « revenus d’artiste-auteur » (bénéfice et recettes), les montants perçus d’activités dites « accessoires » et des « références d’activités artistiques ». Ce formulaire précise aussi le montant des autres revenus éventuellement perçus par l’artiste-auteur (revenus d’activités salariées ou indépendantes) et le montant éventuel de ses pensions ou allocations. Ce document est corroboré par l’avis d’imposition de l’artiste-auteur.

L’examen de ce document et de ses données quantitatives est donc à ce jour l’indice le plus signifiant pour présumer dans quel profil économique se situe un artiste-auteur. (En complément, mais seulement en cas de nécessité ou de doute sérieux sur le champ d’activité, la demande d’un CV et d’un dossier de présentation des œuvres réalisées ou en cours de création peut être envisagée).

Pour la bonne gestion sociale simultanée des trois profils économiques d’artistes-auteurs vivants, il convient, d’une part, de veiller scrupuleusement à protéger effectivement les artistes-auteurs du profil A, notamment ceux dont les revenus sont faibles, et il convient, d’autre part, que les droits sociaux se cumulent pour l’ensemble des artistes-auteurs pluriactifs (notamment profil B et C).