RÉGIME SOCIAL DES ARTISTES-AUTEURS : DES BRANCHES ? QUELLES BRANCHES ?

1/ Les artistes-auteurs n’ont pas de « branche professionnelle ».

Parmi les « artistes », on distingue les « artistes-auteurs » des « artistes-interprètes ».
Les premiers créent des œuvres, les seconds les interprètent.
Les premiers sont indépendants, les seconds sont salariés (intermittence).
Certains artistes peuvent être les deux à la fois (auteur et interprète).

Les artistes-auteurs sont des auteurs d’œuvres artistiques (littéraires, plastiques, musicales, audiovisuelles...). Leur activité commune est de créer des œuvres au sens de la propriété intellectuelle quel que soit leur médium principal (images, sons, volumes, textes, espace, lumière...).

Du sculpteur à l’écrivain en passant par le compositeur ou le peintre, il existe de nombreux métiers d’artistes-auteurs. Quelles que soient leurs différences, les artistes-auteurs font partie d’un seul et même secteur d’activité : la création artistique.
(En revanche leurs diffuseurs appartiennent à de multiples secteurs, culturels ou non. Leurs diffuseurs réguliers sont par exemple, les commerces d’art, les musées, l’édition, le spectacle vivant, la presse, l’industrie cinématographique, la télévision, la radio, etc. Leurs diffuseurs irréguliers eux appartiennent littéralement à n’importe quel secteur économique.)

Les artistes-auteurs bénéficient d’un régime social et fiscal commun. Ils disposent d’un même fonds de formation continue.

En revanche, la gestion dissociée des artistes-auteurs par deux services distincts du ministère de la culture freine le développement d’une culture commune entre artistes-auteurs et ne facilite pas toujours une politique publique cohérente et équitable.
La DGMIC (direction générale des médias et des industries culturelles) est en charge des artistes-auteurs qui exercent notamment leurs activités créatrices au sein des industries culturelles (livre, presse, cinéma, télévision, radio...). Tandis que la DGCA (direction générale de la création artistique) est en charge des artistes-auteurs qui exercent notamment leurs activités créatrices dans les arts visuels (arts plastiques, graphisme, design, photo...) ou le spectacle vivant (musique, théâtre, danse, cirque, arts de la rue...).

Les artistes-interprètes pour leur part sont concentrés dans le spectacle vivant (musique, théâtre, danse, arts de la rue...) ou enregistré (cinéma, télévision, radio...) dans lesquels ils sont beaucoup plus nombreux que les artistes-auteurs.
On peut cependant noter que le nombre total d’artistes-auteurs (environ 270.000) est à peu près équivalent à celui des intermittents (environ 260.000, annexes 8 et 10 confondus, autrement dit artistes et techniciens inclus) dont on entend beaucoup plus parler dans les médias.

La notion de « branche professionnelle » est juridiquement assez floue, en fait son existence se déduit d’une convention collective ou d’un accord entre les organisations syndicales d’employeurs et les organisations syndicales de salariés (ce regroupement d’entreprises autour d’intérêts communs est une initiative patronale prise selon les circonstances qui peut prendre des formes extrêmement différentes).

Par exemple, il existe une dizaine de conventions collectives entre employeurs et salariés dans les branches du spectacle vivant ou enregistré. Les artistes-interprètes en tant que salariés sont concernés (intermittents du spectacle). En revanche, évidemment il n’existe ni « conventions collectives », ni « branches professionnelles » pour les artistes-auteurs, ces derniers étant des travailleurs indépendants.

2/ Quand le code de sécurité sociale invente des « branches professionnelles » d’artistes-auteurs dont découlent des « commissions ».

Contre toute attente, le code de la sécurité sociale a néanmoins introduit une notion de « branche professionnelle » au sein du régime social des artistes-auteurs. Ainsi l’article R382-2 dispose :
« Entrent dans le champ d’application du présent chapitre les personnes dont l’activité, relevant des articles L. 112-2 ou L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle, se rattache à l’une des branches professionnelles suivantes :

1°) Branche des écrivains :
- auteurs de livres, brochures et autres écrits littéraires et scientifiques ;
- auteurs de traductions, adaptations et illustrations des œuvres précitées ;
- auteurs d’œuvres dramatiques ;
- auteurs d’œuvres de même nature enregistrées sur un support matériel autre que l’écrit ou le livre ;

2°) Branche des auteurs et compositeurs de musique :
- auteurs de composition musicale avec ou sans paroles ;
- auteurs d’œuvres chorégraphiques et pantomimes ;

3°) Branche des arts graphiques et plastiques :
- auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques telles que celles définies par les alinéas 1° à 6° du II de l’article 98 A de l’annexe III du code général des impôts ;

4°) Branche du cinéma et de la télévision :
- auteurs d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, quels que soient les procédés d’enregistrement et de diffusion ;

5°) Branche de la photographie :
- auteurs d’œuvres photographiques ou d’œuvres réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie. »

Ce décret est pris en application de l’article L382-1 du CSS qui spécifie : « Les artistes-auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques, sous réserve des dispositions suivantes, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés.... »

Si l’on peut comprendre que l’article L382-1 nécessite des précisions pour son application, notamment sur les activités et les professions concernées, rien n’implique en revanche la fixation de cinq regroupements abusivement intitulés « branches professionnelles ».

La référence à ces pseudo-branches a des conséquences pratiques dans la gestion du régime social des artistes-auteurs car il en découle l’institution de cinq commissions dites « professionnelles ». En effet, l’article L382-1 spécifie dans son dernier alinéa : « L’affiliation est prononcée par les organismes de sécurité sociale, s’il y a lieu après consultation, à l’initiative de l’organisme compétent ou de l’intéressé, de commissions qui, instituées par branches professionnelles et composées en majorité de représentants des organisations syndicales et professionnelles des artistes, tiennent compte notamment de ses titres. » Et les articles R382-3 et suivants précisent la composition, la désignation, le rôle, le fonctionnement de ces commissions.

3/ La perception spontanée de ces regroupements par « branches professionnelles » est trompeuse.

Au premier abord, et au delà de l’évidente inadéquation du vocabulaire, on pourrait croire n’avoir affaire qu’à une simple classification des activités ou métiers des artistes-auteurs. Notamment, on pourrait croire que les auteurs de textes sont dans la « branche des écrivains » [note n°1], les auteurs de musique dans la « branche des auteurs et compositeurs de musique » [note n°2], les auteurs d’images ou d’œuvres artistiques en trois dimensions dans la « branche des arts graphiques et plastiques » [note n°3], les auteurs d’œuvres audiovisuelles dans la « branche du cinéma et de la télévision » [note n°4], les auteurs de photos dans la « branche de la photographie » [note n°5].

En réalité, ces branches sont incohérentes et hétéroclites : on trouve des auteurs des arts graphiques et plastiques dans les cinq branches, on trouve des auteurs de textes dans trois branches (1°, 2°, 4°), on trouve des auteurs de musique dans trois branches (2°, 3°, 4°), on trouve des auteurs d’œuvres audiovisuelles dans deux branches (3°, 4°), on trouve des auteurs de photos dans trois branches (1°, 3°, 5°)...

En effet, alors que la Mda énumère des types d’œuvres correspondant à des activités de création, l’Agessa – photo mise à part – ne raisonne pas en termes d’activité exercée par l’artiste-auteur mais en termes de circuit de diffusion d’œuvres (de collaboration notamment). Il n’y a donc pas au sein du régime social, un critère discriminant par « branche » qui en ferait des regroupements cohérents et complémentaires mais deux approches foncièrement différentes voire contradictoires : l’une s’attache à la nature de l’activité de l’artiste-auteur, l’autre à son diffuseur. Ces deux approches engendrent des doublons, des chevauchements d’activités et de professions d’artistes-auteurs à la fois entre les dites « branches » et entre les organismes eux-mêmes.

Par exemple, parmi les auteurs de textes, les auteurs de saynètes, de sketches ou de monologues et les paroliers sont dans la « branche » dite « des compositeurs de musique » ; les auteurs de scénario, les dialoguistes, les adaptateurs, les sous-titreurs, les auteurs de commentaires... sont dans la « branche » dite « du cinéma et de la télévision ».

Les compositeurs de musiques sont classés, soit dans la « branche » dite « des compositeurs de musique », soit dans la « branche » dite « du cinéma et de la télévision ».

Les illustrateurs (qui peuvent être peintres, dessinateurs, photographes, etc.) sont classés soit dans la « branche » dite « des arts graphiques et plastiques », soit dans la « branche » dite « des écrivains ».

Les photographes sont classés soit dans la « branche » dite « de la photo », soit dans la « branche » dite « des arts graphiques et plastiques », soit dans la « branche » dite « des écrivains » (pour des illustrations), voire même dans la « branche » dite « du cinéma et de la télévision » (pour des reportages ou des web-documentaires).

Les plasticiens pour leur part utilisent tous les médiums possibles (images, sons, vidéos, installations, etc.) et leurs circuits de diffusion sont multiples. Au final, ils peuvent se retrouver dans l’une ou l’autre des cinq « branches » (par exemple, auteurs de BD, plasticiens sonores, auteur de dispositifs interactifs ou d’œuvres multimédia, vidéastes, photographes...).

Un artiste-auteur exerce une activité principale de création mais il n’a pas nécessairement un seul circuit de diffusion, ni un seul médium. Ainsi l’œuvre d’un même artiste-auteur peut être diffusée dans de multiples circuits (livre, presse, radio, TV, internet, galeries et autres lieux d’exposition, théâtres et autres lieux de spectacle vivant, etc.).

Ces deux approches contradictoires entre la Mda (nature des activités de création) et l’Agessa (circuits de diffusion) engendrent également des incertitudes quant à la « branche » de rattachement d’un artiste-auteur. Il en résulte des difficultés tant pour les artistes-auteurs que pour leurs diffuseurs. D’où les nombreuses notices explicatives produites par les organismes eux-mêmes pour tenter de faire comprendre ces répartitions qui ne découlent pas d’une typologie cohérente.